AINS chez les patients à risque de complications gastro-intestinales
Abstract |
Lorsqu’un AINS s’avère réellement nécessaire chez un patient présentant un risque de complications gastro-intestinales (entre autres âge avancé, antécédents d’ulcère gastro-duodénal, utilisation d’autres médicaments susceptibles de provoquer des complications gastro-intestinales), plusieurs options sont proposées: soit un AINS COX-2 sélectif (en association à un inhibiteur de la pompe à protons (IPP) en cas de risque très élevé d’ulcère), soit un AINS classique en association à un IPP, au misoprostol ou à un antihistaminique H2 (ce dernier à dose suffisamment élevée). Les données disponibles ne permettent pas de préconiser l’une de ces options comme premier choix, et on n’oubliera pas que le risque ne disparaît pas complètement avec ces mesures. Le choix doit aussi tenir compte des effets indésirables cardiovasculaires liés aux AINS; une méta-analyse récente d’études randomisées renforce l' idée que tout AINS peut être associé à des effets indésirables cardio-vasculaires.
Dans tous les cas, il convient de réduire au maximum la dose de l’AINS et de limiter la durée du traitement.
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Les AINS ont une place dans le traitement des symptômes inflammatoires et peuvent parfois aussi être utilisés en cas de douleurs. Les effets indésirables des AINS sont fréquents et potentiellement graves [pour plus de détails, voir les
Folia de septembre 2004 et le Répertoire Commenté des Médicaments]. Le présent article discute des options permettant de limiter le risque de complications gastro-intestinales lorsqu’un traitement par un AINS s’avère nécessaire chez des patients présentant des facteurs de risque de telles complications.
- La question de savoir dans quelle mesure le risque gastro-intestinal varie d’un AINS à l’autre reste l’objet de discussions. Le piroxicam et le kétorolac se révèlent des AINS à risque plus élevé d’effets indésirables gastro-intestinaux (y compris les complications liées aux ulcères, telles que hémorragie et perforation), et l’ibuprofène et les AINS COX-2 sélectifs se révèlent des AINS à risque plus faible. En ce qui concerne l’ibuprofène, l’observation d’un faible risque peut s’expliquer par les doses assez faibles utilisées dans les études. Quant aux AINS COX-2 sélectifs, il semble généralement admis que le bénéfice éventuel concernant le risque d’ulcères avec complications est minime; chez les patients prenant également de faibles doses d’acide acétylsalicylique dans le cadre de la prévention cardio-vasculaire, ce bénéfice disparaît probablement.
- L’utilisation d’AINS et la présence d’Helicobacter pylori sont des facteurs de risque indépendants d’ulcères et de complications gastro-intestinales. En cas d’instauration d’un traitement par un AINS chez des patients porteurs d' H. pylori, une éradication préalable d' H. pylori diminue le risque global d’ulcères, du moins chez les patients sans antécédents d’ulcère gastro- duodénal; dans ces cas-là, il est probable que l’éradication soit aussi efficace que la simple administration préventive d’un IPP [voir
Folia d' avril 2009 ]. Chez les patients prenant déjà des AINS, l’éradication d' H. pylori ne diminue pas le risque de complications liées aux AINS.
Les facteurs de risque de complications gastro-intestinales en cas d’utilisation d’AINS sont: un âge avancé (≥ 75 ans), des antécédents d’ulcère gastro-duodénal, l’utilisation de plusieurs AINS (y compris l’acide acétylsalicylique à faible dose), un traitement concomitant par des antiagrégants, des anticoagulants, des corticostéroïdes ou des ISRS (y compris la duloxétine) [voir
Folia d' avril 2005 ], et probablement aussi la consommation d’alcool et le tabagisme. Il est suggéré que les bisphosphonates (en particulier l’alendronate) augmentent également le risque d’effets indésirables gastro-duodénaux liés aux AINS. Certaines données indiquent que les médicaments suivants augmentent le risque d’hémorragies gastro-intestinales, et ils doivent donc être utilisés avec prudence chez les patients traités par des AINS: erlotinib, bévacizumab, venlafaxine, déférasirox, tocilizumab.
Plusieurs sources avancent les options suivantes:
- un AINS COX-2 sélectif (en association à un IPP en cas de risque très élevé d’ulcère, p.ex. les patients ayant des antécédents d’hémorragie gastro-intestinale);
- un AINS classique en association à un IPP, au misoprostol, ou à un antihistaminique H2 (double dose).
De quelles preuves dispose-t-on?
- Le misoprostol, les antihistaminiques H2 à double dose (p. ex. la ranitidine à 600 mg p.j. en 2 prises) et les IPP diminuent le risque d’ulcères gastro-duodénaux observés à l’endoscopie. Les antihistaminiques H2 à dose standard diminuent le risque d’ulcères duodénaux endoscopiques, mais pas celui des ulcères gastriques endoscopiques.
- Des données limitées montrent que le misoprostol (0,8 mg p.j.) et les IPP ont un effet protecteur vis-à-vis des complications d’ulcère.
- Dans plusieurs études randomisées, l’utilisation d’un AINS COX-2 sélectif s’est révélée aussi sûre que l’association d’un AINS classique + IPP en ce qui concerne l’apparition (ou la réapparition) d’ulcères avec complications. Il n’y a pas d’études ayant comparé l’association d’un AINS COX-2 sélectif + IPP avec l’association d’un AINS classique + IPP.
- Il est impossible, à l’heure actuelle, de préconiser l’une des options précitées comme premier choix. Les effets indésirables, surtout la diarrhée, limitent l’usage du misoprostol. Le choix se fera aussi en tenant compte du risque cardio-vasculaire lié à l’AINS. En effet, un risque (dose-dépendant) d’accidents cardio-vasculaires (entre autres infarctus du myocarde, accident vasculaire cérébral) ne peut être exclu pour aucun AINS. Ce constat vient à nouveau d’être renforcé dans une méta-analyse récente d’études randomisées. Le naproxène se révélait être l’AINS dont le risque cardio-vasculaire était le plus faible. Sur base des données disponibles et tenant compte des limites de ces données, l’auteur de l’éditiorial se rapportant à la méta-analyse conseille d’éviter les AINS COX-2 sélectifs (à plus forte raison les doses élevées) ainsi que le diclofénac chez les patients à risque cardio-vasculaire élevé. On suppose que l’ibuprofène contrecarre l’effet cardioprotecteur de l’acide acétylsalicylique, mais un tel effet n' est pas non plus à exclure pour d’autres AINS.
- On n’oubliera pas que ces mesures ont beau réduire le risque d’ulcères avec complications, elles ne l’annulent pas complètement.
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