La pholcodine, structurellement apparentée aux opioïdes, est un antitussif à action centrale utilisé depuis des décennies. Suite à l’évaluation des dernières données de sécurité, le Comité européen de pharmacovigilance (PRAC) de l’Agence européenne des médicaments (EMA) a décidé d’une mise à jour des RCP et notices des médicaments contenant de la pholcodine pour y ajouter le risque d’abus (drug abuse) et d’hypersensibilité croisée avec les anesthésiques paralysants neuromusculaires (curares).
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On a jusqu’à présent identifié au niveau mondial 9 cas d’abus avec la pholcodine (dont 7 cas avec issue fatale suite à un surdosage). Le PRAC reconnait que le risque de dépendance avec la pholcodine est beaucoup plus faible qu’avec les opioïdes tels que la codéine et la morphine. Il conclut néanmoins qu’un risque d’abus avec la pholcodine ne peut être exclu et que la prudence s’impose chez les personnes ayant des antécédents d’abus.
Le PRAC se base notamment sur une publication1 dans laquelle la concentration de pholcodine dans les cheveux de deux patients semble indiquer une utilisation répétée et abusive de ce médicament dans les mois précédant le décès. -
Certaines données remontant à une dizaine d’années suggèrent que l’utilisation de pholcodine augmente le risque d’hypersensibilité aux curares par réaction croisée et par stimulation de la production d’IgE (voir communiqué de l’afmps de janvier 2013). Deux publications récentes renforcent la suspicion de l’existence d’un tel risque (voir « + plus d’info »). Le PRAC a estimé que, sur base des informations disponibles, une hypersensibilité croisée entre la pholcodine et les curares ne peut être exclue, et que les cliniciens doivent être attentifs à ce risque en cas d’intervention chirurgicale impliquant l’usage d’un anesthésique au curare.
- La première publication2 concerne une étude rétrospective australienne qui a comparé le pourcentage de patients ayant un taux d’IgE anti-pholcodine et anti-morphine chez des patients allergiques à un curare (mesuré par un test cutané). L’étude a montré que, chez les patients ayant un ratio IgE anti-pholcodine/IgE anti-morphine ≥ 2, le pourcentage de patients ayant des tests cutanés positifs pour la succinylcholine (syn. suxaméthonium) était plus important qu’en cas de ratio IgE anti-pholcodine/IgE anti-morphine ≤ 1.
- La seconde publication3 concerne une étude cas-témoin australienne visant notamment à mesurer l’influence de la consommation de pholcodine sur le risque d’hypersensibilité aux curares. Le groupe des « cas » était constitué de patients ayant eu une réaction anaphylactique à un bloquant neuromusculaire. Le groupe des « témoins » était constitué des patients ayant eu une réaction anaphylactique à la céfazoline et qui avaient reçu précédemment un bloquant neuromusculaire. L’utilisation de pholcodine était associée à un risque accru de réaction anaphylactique aux curares par rapport à la non-utilisation de pholcodine (OR : 12,4 ; IC 95% : 3,61-42,9).
Commentaire du CBIP
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Ces nouvelles données de sécurités confirment la place très limitée de la pholcodine.
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Les antitussifs à base de codéine et de ses dérivés (dihydrocodéine, éthylmorphine) ont été soumis à prescription en 2013, en raison de leur risque d’utilisation abusive et de dépendance [voir Folia mars 2013]. Pour le dextrométhorphane (sous forme de sirop) on a aussi déjà attiré l’attention sur le risque d’abus, surtout chez les jeunes adolescents [voir Folia août 2019].
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Les informations du répertoire concernant le positionnement des antitussifs restent toujours valable : « La toux ne nécessite généralement pas de traitement médicamenteux. La cause de la toux doit toujours être recherchée; dans la plupart des cas, il s’agit d’une infection aiguë des voies respiratoires dont l’évolution est spontanément favorable ». et « L’efficacité des antitussifs n’est pas suffisamment étayée, tant chez l’enfant que chez l’adulte. La codéine, le dextrométhorphane et la noscapine ont fait l’objet d’études limitées comme antitussifs. Il existe peu ou pas de données concernant les autres antitussifs. »
Sources spécifiques
1 Epain M, Cartiser N, Bévalot F, Fanton L. Toxicological detection of pholcodine in blood, urine and hair in three cases of fatal intoxication. Forensic Sci Int. 2021 Oct; 327:110975
2 Anderson J, Green S, Capon M, Krupowicz B, Li J, Fulton R, Fernando SL. Measurement of pholcodine-specific IgE in addition to morphine-specific IgE improves investigation of neuromuscular blocking agent anaphylaxis. Br J Anaesth. 2020 Dec;125(6):e450-e452
3 Sadleir PHM, Clarke RC, Goddard CE, Day C, Weightman W, Middleditch A, Platt PR. Relationship of perioperative anaphylaxis to neuromuscular blocking agents, obesity, and pholcodine consumption: a case-control study. Br J Anaesth. 2021 May;126(5):940-948