Message clé
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Selon les résultats de l’étude OPAL1, parue dans le journal The Lancet en juillet 2023, les opioïdes n’ont pas démontré une efficacité supérieure en comparaison au placebo dans le traitement des lombalgies et cervicalgies aiguës non spécifiques. De plus l’étude montre que l’usage des opioïdes prévu à court terme peut mener à une consommation à long terme avec risque de mésusage. En effet, l’étude montre, qu’après 52 semaines de suivi, ce risque est doublé avec les opioïdes.
En quoi cette étude est-elle importante ?
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Les lombalgies et cervicalgies aiguës (< 3 mois) sont fréquentes au sein de la population2,3.
On estime qu’en Belgique, 70% des adultes vont souffrir de lombalgies au moins une fois dans leur vie2. 12% de la population ont déclaré avoir souffert de lombalgies et 7,8% de cervicalgies dans le courant de l’année 20184. -
Les opioïdes ont une place limitée dans le traitement de ces douleurs [voir Folia février 2018]. Aussi, comme évoqué dans les Folia de juillet 2023, on sait que l’utilisation d’opioïdes a augmenté ces dernières années [voir Folia juillet 2023]. Il est donc important de disposer de données évaluant leur efficacité et leur sécurité dans le traitement des douleurs telles que les lombalgies aiguës. Il existe peu d’études sur l’efficacité des opioïdes contre la douleur aiguë en général. On dispose d’études sur les douleurs chroniques, sans preuve d’efficacité des opioïdes à long-terme.5,8
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L’étude OPAL, est la première étude indépendante évaluant l’efficacité des opioïdes en comparaison à un placebo dans le cadre du soulagement des lombalgies et cervicalgies aiguës non spécifiques.
A l’inverse des lombalgies et cervicalgies spécifiques (liées à un cancer, à une fracture, à un rhumatisme ou à une infection par exemple), les lombalgies et cervicalgies non spécifiques (ou communes) n’ont pas de cause identifiable. -
Cette étude évalue également les risques quant à leur usage à court terme (apparition d’effets indésirables) et à long terme (risques de mésusage). Cela peut être intéressant sachant qu’une utilisation initialement prévue à court terme peut parfois mener à un usage à long terme5.
Protocole de l’étude
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Il s’agit d’une étude multicentrique réalisée en intention de traiter, randomisée et contrôlée, en triple aveugle, qui a comparé les opioïdes au placebo. La durée du traitement prévue dans le protocole était de maximum 6 semaines. Les participants avaient ensuite la possibilité de continuer leur traitement si le médecin le jugeait nécessaire. Les participants ont été suivis durant 52 semaines.
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L’étude a été menée chez des participants australiens adultes (≥18 ans), présentant des cervicalgies et/ou lombalgies aiguës (< 3 mois) non spécifiques.
- Les participants devaient souffrir de lombalgies et/ou de cervicalgies (au moins d’intensité modérée) depuis maximum 12 semaines au moment de l’étude. Cette période devait être précédée d’au moins 1 mois sans épisode douloureux.
- Les participants ne devaient pas avoir pris d’opioïde (pour l’épisode douloureux évalué lors de l’étude) équivalent à 15mg ou plus de morphine pendant ≥ 5 jours.
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Les participants ont été répartis aléatoirement, soit dans le groupe recevant le placebo, soit dans le groupe recevant un traitement par opioïdes (association fixe de 5 mg d’oxycodone + 2,5 mg de naloxone à libération prolongée 2x/jour, la posologie pouvait être augmentée jusqu’à 10 mg d’oxycodone + 5 mg de naloxone 2x/jour). Les 2 groupes ont également reçu des recommandations non pharmacologiques.
Les recommandations non pharmacologiques consistaient à rassurer les patients quant à l’évolution positive de leurs douleurs, à conseiller de garder une activité physique adaptée et à éviter de rester au lit. Si nécessaire, un analgésique non-opioïde pouvait être ajouté dans les deux groupes. -
Les auteurs ont sélectionné l’oxycodone en raison du profil de prescription en Australie. Son association à la naloxone avait pour objectif de limiter l’apparition de constipation et donc le risque que les participants découvrent le traitement reçu (association oxycodone + naloxone, voir 8.3.2 Associations).
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Le critère de jugement primaire était l’évaluation de l’intensité de la douleur après 6 semaines de traitement. Cette évaluation a été réalisée sur base de l’échelle numérique « Brief Pain Inventory » allant de 0 à 10, suivant un questionnaire complété par les participants. Une amélioration d’1 point a été définie comme étant la différence minimale cliniquement pertinente.
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Les critères de jugement secondaires étaient l’évaluation de l’apparition d’effets indésirables et du risque de mésusage. L’évolution de la qualité de vie (physique et mentale), du temps de guérison et de la condition physique ont également été évalués.
Le mésusage a été défini comme un score étant ≥ 9 sur l’échelle d’auto-évaluation « Current Opioid Misuse Scale », dont le score total peut varier de 0 à 68. -
La compliance des participants a été évaluée via un journal de médication complété pendant l’étude et permettant de comparer leurs prises médicamenteuses par rapport aux données de prescription du médecin.
Résultats en bref
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L’étude a été menée chez 346 participants (moyenne d’âge 44,7 ans). Le taux d’abandons de l’étude était de 11% après 6 semaines et de 26% après 52 semaines. Ce taux est comparable entre les 2 groupes.
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Au début de l’étude, l’intensité de la douleur était de 5,7 dans le groupe opioïde et de 5,6 dans le groupe placebo. Après 6 semaines de traitement, l’intensité de la douleur était de 2,78 dans le groupe opioïde et de 2,25 dans le groupe placebo. La différence entre les 2 groupes (0,53) n’est pas statistiquement significative (IC à 95% -0,00 à 1,07 ; p=0,051).
A 52 semaines, l’intensité de la douleur était de 2,37 dans le groupe opioïde et de 1,81 dans le groupe placebo. Cette différence est, en revanche, statistiquement significative, en faveur du placebo (IC à 95% 0,02 à 1,11; p=0,041) . Cependant, cette différence n’est pas cliniquement pertinente. -
30% du groupe placebo vs. 35% du groupe opioïde ont fait état d’au moins un effet secondaire.
Les principaux effets secondaires rapportés étaient similaires dans les 2 groupes : nausées, vomissements, maux de tête, vertiges et somnolence.
7,5% du groupe opioïde ont déclaré être constipés contre 3,5% pour le groupe placebo. -
A 12 et 26 semaines, les auteurs n’ont pas observé de différence en ce qui concerne le mésusage des traitements. En revanche, à 52 semaines, le risque est doublé pour le groupe opioïde (20%) en comparaison au groupe placebo (10%). La différence est statistiquement significative
(p=0,049). -
Concernant l’évaluation de la qualité de vie, du temps de guérison et de la condition physique, il n’y avait soit aucune différence entre les 2 groupes, soit une petite différence en faveur du placebo.
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Il n’y a pas de différence statistiquement significative entre les deux groupes en ce qui concerne la prise concomitante d’analgésiques non-opioïdes durant l’étude. Le groupe placebo n’a donc pas pris davantage d’analgésiques par rapport au groupe opioïde.
Limites de l’étude
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Lors de la première récolte des résultats à 6 semaines, 25% des données étaient manquantes. Cela a diminué par conséquent la puissance de l’étude et a pu mener à un risque de biais.
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Seulement 58% des participants ont enregistré leur compliance. Parmi ces 58%, un peu plus de la moitié seulement était réellement compliante (c’est-à-dire ≥ 80% du traitement prescrit étant pris). Cependant, il n’y a pas de différence de compliance entre les 2 groupes et par conséquent, on pourrait considérer que cela reflète la réalité quotidienne.
Commentaire du CBIP
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Il s’agit de la première RCT , indépendante, évaluant l’efficacité des opioïdes face à un placebo dans le cadre des lombalgies et des cervicalgies aiguës.
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Selon le guideline du KCE sur les douleurs lombaires et radiculaires6, il n’y a aucune donnée probante quant à leur usage dans le traitement des lombalgies aiguës, mais, selon les experts, un opioïde léger peut être envisagé si les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) sont déconseillés pour un patient ou mal tolérés. Sa prise doit être à la posologie la plus faible possible et à la durée la plus courte possible en raison du risque de mésusage et de dépendance qu’il peut entraîner [voir Folia février 2018 ; pour le positionnement des opioïdes dans les douleurs lombaires aiguës, voir 8.1 Approche médicamenteuse de la douleur et de la fièvre).
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Il est utile de rappeler que, toujours selon le guideline du KCE6, les premières mesures à prendre sont non pharmacologiques. En effet, bien souvent, ces douleurs évoluent de façon spontanée et favorable en quelques jours voire semaines. Ces mesures consistent donc à rassurer le patient et à l’encourager de rester actif. Si le médecin estime qu’un traitement médicamenteux est nécessaire (en fonction de l’intensité de la douleur et/ou de la préférence exprimée par le patient), le guideline donne la priorité aux AINS (en prenant en compte les facteurs de risques de chaque patient). La durée du traitement par AINS devra être la plus courte possible, en raison de leurs effets indésirables possibles. Dans le traitement de ces douleurs, le paracétamol seul n’est pas suffisamment efficace chez la majorité des personnes [voir Folia février 2018]. Il pourrait cependant être essayé, à raison d’1g 4 fois par jour (posologie en l’absence de facteurs de risque), son profil de sécurité étant plus favorable que les AINS.
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Malgré que l’oxycodone, considérée comme opioïde puissant, ne soit donc pas recommandée par ce guideline pour le traitement des lombalgies et cervicalgies aiguës, les résultats de cette étude sont intéressants. En effet, au cours de ces dernières années, l’oxycodone faisait partie des 5 opioïdes les plus consommés en Belgique7. Bien que davantage d’études devraient être réalisées afin d’étayer ces résultats, l’étude OPAL semble montrer que les opioïdes puissants ne sont également pas plus efficaces qu’un placebo dans le traitement de ces douleurs. De plus, ils sont plus à risque (risque doublé dans l’étude discutée dans cet article) de provoquer un mésusage et une dépendance à long terme.
Noms de spécialités :
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Oxycodone + Naloxone: Targinact® (Voir répertoire)
Sources
1 Jones CMP et al. OPAL Investigators Coordinators. Opioid analgesia for acute low back pain and neck pain (the OPAL trial): a randomised placebo-controlled trial. Lancet. 2023 Jul 22; 402(10398):304-312. Erratum in: Lancet. 2023 Aug 19; 402(10402):612. Doi: https://doi.org/10.1016/S0140-6736(23)00404-X
2 Société scientifique de médecine générale (SSMG). Lombalgies. https://www.ssmg.be/avada_portfolio/les-lombalgies/
3 World Health Organization (WHO). Low back pain. 2023 June 19. https://www.who.int/news-room/fact-sheets/detail/low-back-pain#:~:text=An%20estimated%20619%20million%20people,on%20individuals%20and%20on%20societies
4 Sciensano. Non-communicable Diseases: Musculoskeletal disorders, Health Status Report, 2022 Dec 15, Brussels, Belgium.
https://www.healthybelgium.be/en/health-status/non-communicable-diseases/musculoskeletal-disorders
5 Sullivan Mark D, Ballantyne Jane C. Comment. Randomised trial reveals opioids relieve acute back pain no better than placebo. 2023 july 22; 402(10398); p267-269. Doi: https://doi.org/10.1016/S0140-6736(23)00671-2
6 Van Wambeke et al. Centre Fédéral d’Expertise des Soins de Santé (KCE). Guide de pratique clinique pour les douleurs lombaires et radiculaires. KCE Reports 287Bs. 2017. D/2017/10.273/34. https://kce.fgov.be/sites/default/files/2021-11/KCE_287B_Douleurs_lombaires_et_radiculaires_Resume1.pdf
7 Institut national d’assurance maladie-invalidité (INAMI). Rapport annuel 2017. Antidouleurs : Notre analyse à propos de l’usage inquiétant de 5 opioïdes (hors hospitalisation). Dernière mise à jour 9 juillet 2018. https://www.inami.fgov.be/fr/publications/ra2017/themes/Pages/antidouleurs.aspx
8 National Institute For Health and Care Excellence (NICE). Chronic pain (primary and secondary) in over 16s: assessment of all chronic pain and management of chronic primary pain. Nice Guideline. 2021 april 7. https://www.nice.org.uk/guidance/ng193