Message clé
Selon une étude randomisée bien conçue (NEJM), un traitement précoce par ivermectine, metformine ou fluvoxamine n’empêche pas l’évolution vers une forme grave de COVID-19 : l’incidence de l’hypoxémie, de l’admission aux urgences, de l’hospitalisation ou des décès suite à une infection COVID-19 n’était pas inférieure à celle observée avec le placebo.
En quoi cette étude est-elle importante ?
Depuis le début de la pandémie de COVID-19, plusieurs médicaments existants ont été proposés dans le traitement d’une infection COVID-19. La grande majorité des études a été réalisée chez des patients hospitalisés. Chez les patients ambulatoires, les études observationnelles ou randomisées livrent des résultats contradictoires notamment pour l’ivermectine, la metformine et la fluvoxamine (voir Plus d’infos)1.
Dans des études observationnelles, l’utilisation de metformine a été associée à une diminution des symptômes COVID-19 sévères ou de la mortalité liée à la COVID-192-5.
Deux études randomisées de petite taille ont montré que le traitement par fluvoxamine, à raison de 100 mg 2 à 3 x par jour pendant 10 à 15 jours, réduisait le nombre d’hospitalisations ou de séjours prolongés aux soins intensifs6-7.
Le New England Journal of Medicine a publié en juillet 2022 les résultats d’une étude randomisée sur l’efficacité de ces trois molécules dans une infection COVID-19 légère chez des patients ambulatoires1.
Conception de l’étude
Il s’agit d’une étude en double aveugle, randomisée, contrôlée par placebo, menée aux États-Unis (de décembre 2020 à janvier 2022). L’étude a inclus uniquement des adultes non hospitalisés atteints d’obésité ou en surpoids, dans les 3 jours après un diagnostic de COVID-19 confirmé par test PCR et moins de 7 jours après les premiers symptômes.
L’étude compare les produits suivants, en association ou non : la metformine (après augmentation de la dose ; 1500 mg par jour pendant 14 jours), l’ivermectine (390 à 470 μg par kg par jour pendant 3 jours) et la fluvoxamine (50 mg deux fois par jour pendant 14 jours).
- Metformine + fluvoxamine
- Metformine + ivermectine
- Metformine + placebo
- Placebo + fluvoxamine
- Placebo + ivermectine
- Placebo + placebo
Les analyses ont comparé les groupes suivants :
- Metformine: 1+2+3 vs. 4+5+6
- Fluvoxamine: 1+4 vs. 3+6
- Ivermectine: 2+5 vs. 3+6
Plus de la moitié des participants étaient vaccinés. L’analyse a été ajustée pour ce facteur de confusion et n’a révélé aucune différence d’effet selon le statut vaccinal.
Le critère d’évaluation primaire était l’évolution vers une forme grave de COVID-19, mesuré à l’aide d’un critère composite incluant hypoxémie (saturation en O2 ≤93 % lors d’une mesure de la saturation à domicile), visite aux urgences, hospitalisation ou décès.
Une analyse secondaire a également été effectuée sur le critère composite « admission aux urgences, hospitalisation ou décès ».
Résultats en bref
L’étude incluait 1 323 participants, avec un âge médian de 46 ans et un IMC médian de 30 ; 56% étaient des femmes et 52% avaient été vaccinés contre la COVID-19. Dans 22% des cas, le variant Omicron était en cause.
Aucun des trois médicaments étudiés n’a réduit la survenue du critère d’évaluation primaire (hypoxémie, visite aux urgences, hospitalisation ou décès suite à la COVID-19). Pour un seul médicament, la metformine, on n’a pas pu exclure un certain effet sur l’hospitalisation ou la mortalité.
- 0,84 (IC à 95% 0,66 à 1,09 ; p = 0,19) avec la metformine,
- 1,05 (IC à 95% 0,76 à 1,45 ; p = 0,78) avec l’ivermectine,
- 0,94 (IC à 95% 0,66 à 1,36 ; p = 0,75) avec la fluvoxamine.
Dans les analyses secondaires prédéfinies, le rapport de cotes ajusté pour l’admission aux urgences, l’hospitalisation ou le décès était de 0,58 (IC à 95% 0,35 à 0,94) avec la metformine, de 1,39 (IC à 95% 0,72 à 2,69) avec l’ivermectine et de 1,17 (IC à 95% 0,57 à 2,40) avec la fluvoxamine. Le rapport de cotes ajusté pour l’hospitalisation ou le décès était de 0,47 (IC à 95% 0,20 à 1,11) avec la metformine,
de 0,73 (IC à 95% 0,19 à 2,77) avec l’ivermectine et de 1,11 (IC à 95% 0,33 à 3,76) avec la fluvoxamine.
Limites de l’étude
-
Les personnes atteintes d’obésité ou en surpoids ont un risque plus élevé de développer une forme grave de COVID-19. Les résultats de cette étude ne peuvent pas être simplement extrapolés aux personnes sans surpoids ni obésité.
-
Les variants qui circulaient pendant la période étudiée (décembre 2020 à janvier 2022) sont différents de ceux qui circulent en 2023. Avec les variants Omicron, le nombre de complications semble être plus faible.
-
Le critère d’évaluation primaire était un critère composite. Ce type de critère est souvent choisi pour limiter la taille de l’échantillon lorsque certains critères sont peu fréquents, comme le décès et l’hospitalisation dans ce cas-ci. Ceci signifie que rien ne peut être dit sur les composantes individuelles du critère composite et que les résultats sont plus difficiles à interpréter. L’hypoxémie était le critère d’évaluation le plus fréquemment observé et les cas de décès étaient très rares (2 cas dans l’ensemble de la cohorte).
-
La saturation en oxygène mesurée à domicile était une composante du critère d’évaluation primaire. La saturation en oxygène en tant que critère d’évaluation comporte un risque élevé de biais en raison des problèmes pouvant survenir pendant la mesure (par exemple, mains froides, biais de déclaration, appareil peu fiable, etc.).
Commentaires du CBIP
L’étude randomisée bien conçue discutée ici ne montre aucun effet de l’ivermectine, de la metformine et de la fluvoxamine sur les complications d’une infection COVID-19 non sévères en ambulatoire.
Pour les recommandations actuelles concernant le traitement de la COVID-19, nous renvoyons aux balises belges du KCE pour la prise en charge médicamenteuse des infections non-sévères à SARS-CoV-2 en ambulatoire et pour la prise en charge médicamenteuse de la COVID-19 en milieu hospitalier. Ces balises sont régulièrement mises à jour. Selon ces balises, il n’y a actuellement aucune place pour l’ivermectine, la metformine et la fluvoxamine dans le traitement des formes sévères ou non sévères de COVID-19.
Sources
1 Bramante CT, Huling JD, Tignanelli CJ, et al. Randomized Trial of Metformin, Ivermectin, and Fluvoxamine for Covid-19. N Engl J Med. 2022;387(7):599-610. doi:10.1056/NEJMoa2201662
2 Bramante CT, Buse J, Tamaritz L, et al. Outpatient metformin use is associated with reduced severity of COVID-19 disease in adults with overweight or obesity. J Med Virol. 2021;93(7):4273-4279. doi:10.1002/jmv.26873
3 Luo P, Qiu L, Liu Y, et al. Metformin Treatment Was Associated with Decreased Mortality in COVID-19 Patients with Diabetes in a Retrospective Analysis. Am J Trop Med Hyg. 2020;103(1):69-72. doi:10.4269/ajtmh.20-0375
4 Crouse AB, Grimes T, Li P, Might M, Ovalle F, Shalev A. Metformin Use Is Associated With Reduced Mortality in a Diverse Population With COVID-19 and Diabetes. Front Endocrinol (Lausanne). 2021;11:600439. Published 2021 Jan 13. doi:10.3389/fendo.2020.600439
5 Bramante CT, Ingraham NE, Murray TA, et al. Metformin and risk of mortality in patients hospitalised with COVID-19: a retrospective cohort analysis. Lancet Healthy Longev. 2021;2(1):e34-e41. doi:10.1016/S2666-7568(20)30033-7
6 Reis G, Dos Santos Moreira-Silva EA, Silva DCM, et al. Effect of early treatment with fluvoxamine on risk of emergency care and hospitalisation among patients with COVID-19: the TOGETHER randomised, platform clinical trial [published correction appears in Lancet Glob Health. 2022 Apr;10(4):e481] [published correction appears in Lancet Glob Health. 2022 Sep;10(9):e1246]. Lancet Glob Health. 2022;10(1):e42-e51. doi:10.1016/S2214-109X(21)00448-4
7 Lenze EJ, Mattar C, Zorumski CF, et al. Fluvoxamine vs Placebo and Clinical Deterioration in Outpatients With Symptomatic COVID-19: A Randomized Clinical Trial. JAMA. 2020;324(22):2292-2300. doi:10.1001/jama.2020.22760