Message clé

  • Le nirsévimab est un anticorps monoclonal qui peut être administré chez la plupart des enfants en une dose unique au cours de leur première saison de VRS. Ce n’est que chez les enfants à haut risque que le nirsévimab est recommandé aussi bien pendant la première que pendant la deuxième année de vie.

  • Deux études randomisées de phase III et un « rapid review » du KCE montrent que le nirsévimab est efficace, tant chez les nourrissons prématurés que les nourrissons nés à terme, pour prévenir l’infection par le VRS (efficacité de 75%) et/ou l’hospitalisation due à une infection par le VRS (efficacité de 79%)1-3.

  • L’étude ouverte HARMONIE confirme les conclusions du rapport KCE et conclut aussi que l’administration du nirsévimab est associée à une réduction du risque d’hospitalisation liée au VRS (efficacité de 83,2%) 4.

  • Il existe désormais deux stratégies de prévention du VRS : la vaccination maternelle pendant la grossesse avec le vaccin Abrysvo® ou l’administration de nirsévimab au jeune nourrisson. Selon l’Avis (9760) du CSS, il est possible de choisir entre l’une de ces deux stratégies chez la plupart des nourrissons. Dans certains cas spécifiques (par exemple chez les nourrissons à haut risque), il pourrait être envisagé d’administrer du nirsévimab aux nourrissons nés de mères vaccinées. Le CSS recommande également de remplacer le palivizumab par le nirsévimab chez les enfants à haut risque.

  • Le nirsévimab est actuellement remboursé, contrairement au vaccin Abrysvo® (situation au mois d’août 2024).

En quoi cette étude est-elle importante ?

  • Le VRS est une cause majeure d’infections virales des voies respiratoires inférieures chez les enfants de moins de 2 ans. Dans les pays à revenu élevé, 26,2% des enfants sont infectés par le VRS au cours de leur première année de vie. Le taux d’hospitalisations associées au VRS varie entre 1,8% et 2,2% chez les enfants de moins d’un an5,6.

  • L’anticorps monoclonal nirsévimab a été autorisé par l’Agence européenne des médicaments (EMA) pour la prévention du VRS chez les nouveau-nés et les nourrissons au cours de leur première saison de VRS. Contrairement au pavilizumab, le nirsévimab ne doit être administré au nourrisson qu’une seule fois au cours d’une saison de VRS, ayant une durée d’action de 5 mois.

  • Dans deux études randomisées de phase III, le nirsévimab était associé à une réduction significative du nombre de cas d’infections des voies respiratoires inférieures à VRS. Dans la première étude (étude Nirsevimab), qui portait sur des nourrissons prématurés (âge gestationnel compris entre 29 et 35 semaines), l’efficacité était de 70,1% pour la prévention des infections des voies respiratoires inférieures à VRS et de 78,4% pour la prévention des hospitalisations1. Ce qui correspond à des NNT (number needed to treat) de respectivement 15 et 31. La deuxième étude randomisée (étude MEDLEY), qui portait sur des nourrissons peu prématurés (semaine 35 d’âge gestationnel) et des nourrissons nés à terme, a montré une efficacité de 76,4% (NNT de 24) pour la prévention des infections des voies respiratoires inférieures à VRS et de 76,8% (NNT de 67) pour la prévention des hospitalisations associées au VRS2.

  • Une analyse par le KCE3 de ces deux études randomisées de phase III conclut, après avoir regroupé les résultats, que le nirsévimab a une efficacité de 75% (NNT de 19) contre les infections des voies respiratoires inférieures confirmées par le VRS et de 79% contre les hospitalisations associées au VRS (NNT de 47).

  • Le présent article se penche sur l’étude HARMONIE, une étude menée en conditions réelles, récemment publiée, qui n’a pas encore été abordée dans l’analyse du KCE4.

Conception de l’étude

  • L’étude HARMONIE est une étude pragmatique, ouverte, sponsorisée par le fabricant, menée entre août 2022 et février 2023 dans 253 centres différents en France, en Allemagne et en Grande-Bretagne, et ayant comparé le traitement par nirsévimab aux soins habituels (pas de traitement préventif).

  • Ont été inclus des enfants âgés de 12 mois ou moins, nés à un âge gestationnel de 29 semaines ou plus. L’étude incluait donc aussi bien des enfants nés prématurément que des enfants nés à terme.

  • Le critère d’évaluation primaire était l’hospitalisation pour une infection des voies respiratoires inférieures à VRS. La survenue d’une infection très grave des voies respiratoires inférieures à VRS était un critère d’évaluation secondaire (saturation en oxygène < 90% et nécessité d'une supplémentation en oxygène).

  • Les effets indésirables non graves ont été enregistrés et évalués jusqu’à 31 jours après l’administration du médicament. Les effets indésirables graves ou les effets indésirables spécifiques tels que réactions allergiques ou thrombopénie ont été évalués jusqu’à 12 mois après le traitement.

Résultats en bref

  • Au total, 8 058 enfants ont été inclus, dont 4 037 ont reçu du nirsévimab et 4 021 les soins habituels (pas de traitement préventif). 85,2% de ces enfants étaient nés à un âge gestationnel de 37 semaines ou plus. Une proportion significative d’enfants était donc née à terme, ce qui rend cette population représentative de la population en pratique quotidienne selon les auteurs.

  • Dans le groupe nirsévimab et dans le groupe témoin, respectivement 11 enfants (0,3%) et 60 enfants (1,5 %) ont été hospitalisés pour une infection des voies respiratoires inférieures à VRS, ce qui correspond à une efficacité de 83,2% (IC à 95% de 67,8 à 92 ; p< 0,001) au cours de la saison VRS 2022-2023 pour éviter l’hospitalisation (number needed to treat ou NNT de 83).

  • Dans le groupe nirsévimab et dans le groupe témoin, respectivement 5 enfants (0,1%) et 19 enfants (0,5%) ont été hospitalisés pour une infection à VRS très grave ayant nécessité une supplémentation en oxygène, ce qui correspond à une efficacité de 75,7% (IC à 95% de 32,8 à 92,9 ; p=0,004) (NNT de 250).

  • Sécurité : dans le groupe nirsévimab et dans le groupe témoin, des effets indésirables sont survenus chez respectivement 36,8% et 33% des enfants. Dans le groupe nirsévimab, 2,2% de ces effets étaient graves, contre 1,7% dans le groupe témoin (Number Needed to Harm ou NNH de 200).

Limites de l’étude

  • L’étude était ouverte, ce qui comporte un risque de biais. Il s’agit d’une étude sponsorisée par le fabricant.

  • L’étude ne permet pas de se prononcer sur les effets en termes de mortalité et d’admission en soins intensifs.

  • L’étude a été menée au cours d’une période spécifique (la saison VRS 2022-2023), durant laquelle les taux d’infection étaient assez élevés. Plus le risque de base est élevé, plus l’effet d’une intervention sera important, ce qui peut se traduire par un NNT plus faible que lors de saisons VRS « classiques ». Notons toutefois que les résultats sont similaires à ceux des études de phase III ayant évalué le nirsévimab. Le NNT pour prévenir l’hospitalisation était similaire à celui de l’étude MEDLEY, qui elle aussi portait essentiellement sur le traitement de nourrissons nés à terme.

  • En raison de la nature pragmatique de l’étude, les enfants à haut risque (voir le tableau 1, tels que définis par le CSS) étaient peu représentés dans cette étude et ce groupe n’a pas été spécifiquement évalué.
     

Enfants à risque accru d’une forme sévère d’infection à VRS
Maladie pulmonaire chronique du prématuré ayant nécessité une prise en charge médicale (corticothérapie chronique, traitement diurétique ou oxygène d’appoint) à tout moment au cours des six mois précédant le début de la deuxième saison de circulation du VRS.
Cardiopathie congénitale hémodynamiquement significative.​
États d’immunosuppression.​
Syndrome de Down.​
Mucoviscidose.
Maladie neuromusculaire.
Anomalies congénitales des voies respiratoires.

Tableau 1 : enfants à risque tels que définis dans l’Avis du CSS

Que dit le Conseil Supérieur de la Santé (CSS)?

  • L’Avis actuel du Conseil Supérieur de la Santé (CSS) a été publié en décembre 2023, avant que les résultats définitifs de l’étude HARMONIE ne soient disponibles.

  • Il convient de noter que ces recommandations sont temporaires et qu’elles seront mises à jour lorsque de nouvelles données pertinentes sur les deux outils de prévention.

  • Les deux nouvelles interventions préventives, le nirsévimab et la vaccination pendant la grossesse (Voir Folia de janvier 2024 sur la vaccination contre le VRS pendant la grossesse), seront disponibles sur le marché belge pour la saison 2024-2025.

  • Selon l’Avis du CSS, il est possible de choisir entre l’une de ces deux stratégies chez la plupart des nourrissons, pour la saison 2024-2025. Le CSS n’émet pas de préférence et laisse le choix aux parents ou aux prestataires de soins de santé.

  • Le CSS ne recommande pas de combiner les deux produits, sauf dans certaines situations particulières (voir « + plus d’infos »).

    Dans certains cas spécifiques, l’administration du nirsévimab à des nourrissons
    nés de mères vaccinées peut être envisagée :

    • Les nourrissons présentant un risque suffisamment accru de maladie à VRS sévère (voir Tableau 1) et nés de mères vaccinées à la fin de la saison (entre janvier et mars).
    • Les nourrissons nés de mères vaccinées nés dans les deux semaines suivant l’administration du vaccin pendant la grossesse.
    • Femmes enceintes susceptibles d’avoir une réponse immunitaire inadéquate à la vaccination (état d’immunodépression) ou dont le transfert transplacentaire des anticorps est réduit (personnes vivant avec une infection par le VIH ou souffrant d’une maladie membranaire).
    • Les nourrissons ayant subi un pontage cardio-pulmonaire ou une exsanguino-transfusion néonatale entraînant une perte d’anticorps maternels.
  • Le nirsévimab peut être administré à la naissance ou au cours du programme de vaccination régulier (rattrapage) à tous les nourrissons de moins d’un an au début de la saison de circulation du VRS, ou dès la naissance pour les nourrissons nés pendant la saison de circulation du VRS. La dose recommandée est de 50 mg chez les bébés de < 5 kg et de 100 mg chez les bébés de ≥ 5 kg.

  • Chez les enfants à haut risque, le nirsévimab est recommandé aussi bien pendant la première année de vie que pendant la deuxième année de vie. Une seule administration de nirsévimab est recommandée par saison.

  • Le palivizumab et le nirsévimab ne doivent pas être combinés. Le CSS recommande de remplacer le palivizumab par le nirsévimab, étant donné son calendrier d’administration plus simple.

Commentaires du CBIP

  • Plusieurs études randomisées avaient déjà montré que le nirsévimab réduisait le nombre d’infections et d’hospitalisations liées au VRS, tant chez les nourrissons prématurés que chez les nourrissons nés à terme.

  • Ceci est confirmé dans l’étude HARMONIE, une étude ouverte menée en conditions réelles. Le nirsévimab a permis d’éviter 1 hospitalisation pour 83 nourrissons traités (NNT).

  • Cette étude n’ayant inclus que peu d’enfants prématurés et n’ayant pas fait de distinction en fonction des facteurs de risque, elle permet difficilement de se prononcer sur l’efficacité du nirsévimab dans les groupes à risque (voir le tableau 1).

  • L’efficacité du nirsévimab n’a pas été comparée à celle de l’anticorps monoclonal qui existe déjà, à savoir le palivizumab. (Pour information, une Cochrane Review de 2021 sur l’efficacité du palivizumab avait trouvé un NNT de 46 pour éviter une hospitalisation liée à un problème respiratoire. Pour éviter un décès, le NNT était de 143).7

  • Le nirsévimab semble avoir un profil de sécurité acceptable, mais son profil de sécurité après 12 mois et chez les enfants à haut risque n’est pas documenté.

  • D’autres études sont nécessaires, comparant la vaccination maternelle (éventuellement en association avec le nirsévimab) au traitement par nirsévimab, en vue de pouvoir déterminer la meilleure stratégie de prévention.

  • Le nirsévimab sera remboursé sous conditions (chapitre IV, a priori) :

    • Remboursé une seule fois s’il est utilisé en monothérapie chez un nouveau-né ou un nourrisson de moins de 13 mois au cours de sa première saison de VRS.

    • La mère ne doit pas encore avoir été vaccinée avec le vaccin contre le VRS (Abrysvo®), sauf dans les cas spécifiques précisés dans l’Avis du CSS de décembre 2023 (voir ci-dessus sous  » + plus d’infos « ).

  • À l’heure actuelle, le vaccin contre le VRS (Abrysvo®) n’est pas remboursé (situation au mois d’août 2024).

Noms des spécialités concernées :

Sources

Griffin MP, Yuan Y, Takas T, Domachowske JB, Madhi SA, Manzoni P, et al. Single-Dose Nirsevimab for Prevention of RSV in Preterm Infants. N Engl J Med. 2020;383(5):415-25
Hammitt LL, Dagan R, Yuan Y, Baca Cots M, Bosheva M, Madhi SA, et al. Nirsevimab for Prevention of RSV in Healthy Late-Preterm and Term Infants. N Engl J Med. 2022;386(9):837-46.
3 https://kce.fgov.be/sites/default/files/2023-12/2023-60RSV_Nirsevimab_Infection_Infants.pdf (18 décembre 2023)
4 N Engl J Med 2023;389:2425-35. DOI: 10.1056/NEJMoa2309189 (main study)
5 Y. Li, X. Wang, D. M. Blau, et al. Global, regional, and national disease burden estimates of acute lower respiratory infections due to respiratory syncytial virus in children younger than 5 years in 2019: a systematic analysis. Lancet, 2022. 399(10340): p. 2047-2064. 10.1016/s0140-6736(22)00478-0

6 J. G. Wildenbeest, M. N. Billard, R. P. Zuurbier, et al. The burden of respiratory syncytial virus in healthy term-born infants in Europe: a prospective birth cohort study. Lancet Respir Med, 2023. 11(4): p. 341-353. 10.1016/s2213-2600(22)00414-3
7 Garegnani L, Styrmisdóttir L, Roson Rodriguez P, Escobar Liquitay CM, Esteban I, Franco JVA. Palivizumab for preventing severe respiratory syncytial virus (RSV) infection in children. Cochrane Database of Systematic Reviews 2021, Issue 11. Art. No.: CD013757. DOI: 10.1002/14651858.CD013757.pub2. Accessed 09 July 2024.