La presse a fait état récemment de l’inquiétude suscitée par la suspicion d’un risque accru de pancréatite et de cancer du pancréas et de la thyroïde avec l’exénatide (Byetta®) et la sitagliptine (Januvia®), deux médicaments antidiabétiques augmentant l’effet incrétine [voir Folia de février 2008].
Cette inquiétude fait suite à la discussion, lors du congrès de l’European Association for the Study of Diabetes (EASD) à Lisbonne, d’une étude suggérant un lien causal entre l’utilisation d’exénatide et de sitagliptine et un risque accru de pancréatite et de cancer du pancréas et de la thyroïde[Gastroenterology2011;41:150-6 (doi:10.1053/j.gastr.2011.02.018)]. A partir de la base de données de pharmacovigilance de la Food and Drug Administration des Etats-Unis, les investigateurs de cette étude ont comparé les notifications d’effets indésirables concernant l’exénatide et la sitagliptine entre 2004 et 2008 par rapport à celles concernant d’autres antidiabétiques. Dans cette analyse, le taux de notifications de pancréatites est apparu 11 fois plus élevé avec l’exénatide et 7 fois plus élevé avec la sitagliptine. Le taux de notifications de cancer du pancréas était environ 3 fois plus élevé avec chacun des deux médicaments, et le taux de notifications de cancer de la thyroïde était 5 fois plus élevé avec l’exénatide et 1,5 fois plus élevé avec la sitagliptine (statistiquement non significatif). Les auteurs concluent que ces données convergent avec d’autres données, provenant entre autres d’études animales, indiquant un risque accru de pancréatite, et incitant à la prudence quant à la possibilité d’un risque accru de cancer à long terme.
Cette étude a cependant fait l’objet d’un certain nombre de réactions, entre autres de l’EASD et du Vlaamse Diabetes Vereniging (VDV), mettant en exergue le fait que l’incidence d’effets indésirables ne peut pas être évaluée à partir d’une base de données de pharmacovigilance. Bien qu’un tel système de notifications spontanées soit très utile pour générer des signaux, ceux-ci doivent en effet être interprétés avec prudence et nécessitent d’être confrontés aux résultats d’études randomisées contrôlées et d’études de cohortes.
En l’absence de telles études, on ne dispose actuellement d’aucune preuve permettant d’affirmer qu’il existe un lien causal entre l’utilisation d’un antidiabétique à effet incrétine et un risque accru de cancer. Il reste néanmoins très important de suivre de près les avantages et les risques potentiels des nouveaux médicaments. A l’heure actuelle, l’efficacité à long terme de l’exénatide et de la sitagliptine, surtout en ce qui concerne les complications micro- et macrovasculaires du diabète, ainsi que leur innocuité à long terme ne sont donc toujours pas connues, et la place de ces médicaments n’est pas encore claire.