Un article récent de La Revue Prescrire 1 attire l’attention sur un risque d’avortements spontanés en lien avec l’utilisation des analogues des prostaglandines en collyre durant la grossesse.

Diverses indications des analogues des prostaglandines

Système gastro-intestinal

Le misoprostol est utilisé comme gastro-protecteur (voir 3.1.1.3. Misoprostol et 9.1.1.7. Diclofénac + misoprostol).  
Pour rappel, l’utilisation du misoprostol au cours du premier trimestre de la grossesse est associée à un risque tératogène.

Gynéco-obstétrique

En gynéco-obstétrique, la dinoprostone et le misoprostol sont indiqués pour l’induction du travail. Le carboprost, quant à lui, est utilisé en cas d’hémorragies du post-partum (Voir 6.4.1. Oxytociques).
Pour rappel, l’utilisation du misoprostol au cours du premier trimestre de la grossesse est associée à un risque tératogène.

Ophtalmologie

Les analogues des prostaglandines tels que le latanoprost, le travoprost, le bimatoprost et le tafluprost sont utilisés – en collyre – dans le traitement du glaucome à angle ouvert (voir 16.5.4. Analogues des prostaglandines).
Le présent article fait le point sur ce que l’on sait au sujet de la sécurité de ces collyres durant la grossesse.

Sécurité des analogues des prostaglandines en collyre durant la grossesse : données connues

L’administration de prostaglandines par voie orale, rectale ou vaginale entraine des contractions utérines. Ces effets n’ont pas été rapportés avec les analogues des prostaglandines utilisés par voie oculaire, dont le passage systémique est faible2.
Selon la source Briggs, les données cliniques concernant l’utilisation du latanoprost durant la grossesse sont limitées 3. Parmi onze grossesses exposées au latanoprost durant le premier trimestre, on ne signale aucune anomalie congénitale mais une fausse couche spontanée4.  Selon Lareb 5, les analogues des prostaglandines en collyre ne peuvent être utilisés que sur indication stricte. En effet, il est connu que leur utilisation systémique peut augmenter le tonus utérin et diminuer le flux sanguin utéro-placentaire.
 
Ces données vont dans le même sens que ce qui a été mentionné dans le RCP : « La sécurité de ce médicament en cas d’utilisation pendant la grossesse chez l’être humain n’a pas été établie. »

Signal d’avortements spontanés concernant les collyres 1

Une étude de pharmacovigilance publiée en 20226 a évalué l’association entre l’utilisation des analogues de prostaglandines en collyre (latanoprost, travoprost, bimatoprost et tafluprost) et les avortements spontanés. Cette dernière repose sur les bases de données de pharmacovigilance étatsunienne (FAERS) et japonaise (JADES).

L’étude montre que, sur l’ensemble des rapports concernant le latanoprost dans la base de données FAERS, le pourcentage de rapports d’avortement spontané est 4 fois plus élevé que la moyenne des autres médicaments inclus dans les données de pharmacovigilance. Un signal similaire, mais non statistiquement significatif, a été mis en évidence avec le travoprost. Les données concernant le tafluprost et le bimatoprost sont trop peu nombreuses pour déterminer si le signal mis en évidence est un effet de classe. La base de données JADES contenait moins de notifications mais les résultats étaient semblables.

Même si cette étude -de faible niveau de preuve- ne permet pas de déterminer un lien de causalité, elle identifie un signal de sécurité concernant le latanoprost et les interruptions spontanées de grossesse. L’effet pharmacologique des prostaglandines pourrait expliquer le risque d’avortements spontanés.

Limiter les effets systémiques des collyres : rappel

Le risque d’effets systémiques des collyres peut être limité en exerçant une pression au niveau du canal lacrymonasal à l’angle interne de l’œil pendant 1 à 2 minutes et en gardant les yeux fermés (sans cligner) (Voir Répertoire 16, Précautions particulières).
 
Une utilisation excessive ou à forte dose augmente le risque d’effets indésirables, c’est pourquoi il est important de respecter la dose et la durée du traitement 7.

Commentaire du CBIP

Des études de meilleure qualité méthodologique doivent être réalisées afin de déterminer s’il existe un lien de causalité entre les analogues de prostaglandines en collyre et les avortements spontanés.
En attendant, il est prudent de d’éviter autant que possible les prostaglandines en collyre chez la femme enceinte.

Sources

Latanoprost et autres “prosts” en collyre : avortements spontanés. La Revue Prescrire 2022 ;42 :465
CRAT. https://www.lecrat.fr/
3 Briggs GG & Freeman RK. A reference guide to fetal and neonatal risk: drugs in pregnancy and lactation (11e édition, version électronique), consulté la dernière fois le 14 novembre 2022
4 https://www.farmacotherapeutischkompas.nl/bladeren/preparaatteksten/l/latanoprost#zwangerschap
5 Lareb. Middelen bij glaucoom tijdens de zwangerschap. Accessed 14 novembre 2022. Website van Lareb.

Sakai T, Mori C, Koshiba H, Yuminaga R, Tanabe K, Ohtsu F. Pregnancy loss signal from prostaglandin eye drop use in pregnancy: a disproportionality analysis using Japanese and US spontaneous reporting databases. Drugs-Real World Outcomes. 2022 Mar;9(1):43-51.
7 Bien utiliser les collyres, La Revue Prescrire 2022 ;42 :466