L’étude EMPA-REG [1] est une étude randomisée contrôlée par placebo dont l’objectif était d’évaluer les effets cardio-vasculaires de l’empagliflozine (Jardiance®), un antidiabétique de la classe des gliflozines ou inhibiteurs du SGLT-2. Les gliflozines (canagliflozine, empagliflozine) constituent une nouvelle classe d’antidiabétiques oraux qui exercent leur effet hypoglycémiant en diminuant l’absorption rénale de glucose provoquant ainsi une glucosurie et une diurèse osmotique [voir Folia de janvier 2015 et de septembre 2015].
L’étude EMPA-REG a inclus 7020 patients diabétiques avec un risque cardio-vasculaire élevé (c.-à-d. avec au moins un des facteurs de risque suivants: antécédent d’infarctus du myocarde ou d’accident vasculaire cérébral (AVC) plus de 2 mois avant l’inclusion, coronaropathie avérée, angor instable, artériopathie périphérique occlusive). Les patients étaient randomisés en trois groupes et recevaient, en plus d’un traitement standard (antidiabétique, hypolipidémiant, antihypertenseur, antithrombotique), soit l’empagliflozine (10 mg ou 25 mg p.j.), soit un placebo. La durée du suivi était en moyenne de 3,1 ans. Le critère d’évaluation primaire était un critère composite associant la mortalité cardio-vasculaire et les infarctus du myocarde et AVC non fatals. Les résultats obtenus avec les deux doses d’empagliflozine étaient comparables et ont été regroupés. Les résultats montrent une diminution statistiquement significative du critère d’évaluation primaire: empagliflozine (10,5%), placebo (12,1%).
Ces résultats s’expliquent surtout par une diminution de la mortalité cardio-vasculaire, et il n’y avait pas de différences statistiquement significatives entre les groupes en ce qui concerne les taux d’infarctus du myocarde et d’AVC. Les résultats concernant des critères d’évaluation secondaires indiquent également une diminution de la mortalité globale et des hospitalisations pour insuffisance cardiaque; il n’y avait pas de différence entre les groupes en ce qui concerne les hospitalisations pour angor instable. Il a été calculé que 39 patients devaient être traités pendant 3 ans par l’empagliflozine pour éviter un décès supplémentaire (NNT = 39).
En ce qui concerne les effets indésirables, les infections urogénitales étaient, comme déjà connu, plus fréquentes chez les patients traités par l’empagliflozine, mais il n’y avait pas de différence entre les groupes en ce qui concerne le risque d’insuffisance rénale aiguë, d’acidocétose diabétique [voir aussi Folia de septembre 2015], de fractures osseuses, d’accidents thromboemboliques ou d’autres évènements liés à la déplétion volémique.
Commentaire du CBIP
L’effet des antidiabétiques sur les complications macro-vasculaires n’est pas clair, et un bénéfice n’a jusqu’à présent été démontré qu’avec la metformine chez les patients obèses (étude UKPDS 34). C’est donc la première fois depuis 1998 qu’une large étude clinique montre l’efficacité d’un antidiabétique en termes de réduction des évènements cardio-vasculaires. La mortalité cardio-vasculaire est la principale cause de mortalité dans le diabète de type 2, et aucun antidiabétique autre que la metformine n’avait montré jusqu’à présent une diminution de la mortalité. Ces résultats positifs sont donc encourageants, mais ils soulèvent toutefois quelques questions et commentaires.
– Cette étude a été réalisée en plusieurs étapes et le premier objectif consistait à évaluer l’innocuité cardio-vasculaire de l’empagliflozine (non-infériorité). Bien que la supériorité de l’empagliflozine sur le critère d’évaluation primaire ait été démontrée, la différence observée était à peine statistiquement significative (p= 0,04).
– L’étude a inclus uniquement des patients avec un risque cardio-vasculaire élevé et ces résultats ne peuvent donc pas être extrapolés à l’ensemble de la population diabétique.
– Les mécanismes à l’origine de ces effets favorables de l’empagliflozine ne s’expliquent pas encore clairement. De manière surprenante, l’effet sur le critère d’évaluation primaire ainsi que sur des critères d’évaluation secondaires tels que la mortalité cardio-vasculaire, la mortalité globale et les hospitalisations pour insuffisance cardiaque s’est manifesté rapidement, dans les 3 mois suivant l’instauration du traitement. Il n’y avait cependant pas de diminution du taux d’infarctus et d’AVC. Il est dès lors fort improbable que les effets bénéfiques de l’empagliflozine s’expliquent par un effet sur l’athérosclérose, le contrôle glycémique, la tension artérielle ou la perte de poids. La diminution du taux d’hospitalisations pour insuffisance cardiaque laisse à supposer que l’augmentation de la diurèse consécutive à la prise d’un inhibiteur du SGLT-2 pourrait avoir un rôle. On ne sait pas non plus dans quelle mesure il pourrait s’agir d’un effet de classe des inhibiteurs du SGLP-2.
– Bien que cette étude n’a pas montré d’effets indésirables graves après un suivi d’environ 3 ans, l’innocuité des inhibiteurs du SGLP-2 à plus long terme, notamment sur la fonction rénale, n’est pas encore connue. Des avertissements ont été donnés récemment en ce qui concerne un risque d’acidocétose diabétique avec les gliflozines [voir Folia de septembre 2015] et de fractures osseuses avec la canagliflozine [www.fda.gov/downloads/Drugs/DrugSafety/UCM461790.pdf].
En conclusion, les résultats de l’étude EMPA-REG montrent non seulement l’innocuité cardio-vasculaire de l’empagliflozine mais également sa supériorité par rapport au placebo en termes de réduction de la mortalité cardio-vasculaire dans le diabète de type 2. Ces résultats sont prometteurs vu que la mortalité cardio-vasculaire reste la principale cause de mortalité dans le diabète de type 2. Un certain nombre de questions restent toutefois sans réponse, notamment en ce qui concerne les mécanismes de cet effet. Il faut attendre les résultats d’autres études pour mieux évaluer l’effet des inhibiteurs du SGLT-2 sur les évènements cardio-vasculaires dans le diabète de type 2.
[1] NEJMSeptember 17,2015 (doi : 10.1056/NEJMoa1504720)