Les conclusions des auteurs de la publication de l’étude « Study 329 » en 2001 sur la paroxétine chez des adolescents atteints de dépression étaient favorables mais s’avèrent incorrectes après une nouvelle analyse de toutes les données de l’étude. Les auteurs, la firme sponsorisante et la revue montrent pourtant une forte résistance à retirer la publication originale. |
Le communiqué « Bon à savoir » du 18/09/15
La presse attire l’attention sur la paroxétine, un inhibiteur sélectif de la recapture de la sérotonine, dans le traitement de la dépression chez l’adolescent. Ceci fait suite à la publication sur le site Web du thebmj d’une nouvelle analyse d’une étude avec la paroxétine dans le traitement de la dépression chez l’adolescent [voir site Web de thebmj pour l’étude, un éditorialet un commentaire]. L’étude était financée par le fabricant de la paroxetine, et a été publiée initialement en 2001.Contrairement à ce qui était montré dans la publication originale, la nouvelle analyse ne constate pas d’effet thérapeutique positif de la paroxétine par rapport au placebo, et montre un risque accru d’effets indésirables psychiatriques sévère (tels que des idées suicidaires). La même constatation a d’ailleurs été faite pour l’imipramine qui était également évaluée dans cette étude.
Les résultats de cette étude avaient déjà fait l’objet de discussions dès la première publication, et pendant plusieurs années, il a été plaidé – sans succès toutefois – pour le retrait de la publication originale. La nouvelle analyse a été faite par une équipe d’investigateurs indépendants qui a demandé à la firme de pouvoir obtenir toutes les données de l’étude. Depuis plusieurs années déjà, plusieurs groupes d’investigateurs plaidaient pour plus de transparence sur les données des études cliniques [voir Folia avril 2015].
Concernant l’utilisation desantidépresseurs chez l’enfant et l’adolescent, nous renvoyons au Folia d’août 2006, ainsi qu’au Répertoire Commenté des Médicaments, chapitre 10.3. Il y mentionné ce qui suit:
« Chez les enfants et les adolescents, l’efficacité d’aucun antidépresseur n’a été prouvée de manière convaincante; par contre, un risque accru d’idées suicidaires et d’automutilation a été constaté surtout lors de l’instauration du traitement [voir Folia d’août 2006] ».
Ces résultats confrontent le monde scientifique et médical à un dilemme énorme: on insiste de plus en plus pour que les soins de santé se basent sur des données provenant d’études controlées (evidence based medicine) mais ces études sont parfois intentionnellement interprétées de manière trompeuse. Les résultats de la nouvelle analyse de cette étude, après avoir étudié toutes les données de l’étude, apportent la preuve inéluctable de l’importance d’avoir accès à toutes les données des études pour les investigateurs indépendants. Une campagne à l’échelle mondiale, la campagne AllTrial (www.alltrials.net), plaide pour que cela soit exécuté par respect pour la science, mais aussi pour les patients qui participent volontairement à ces études.
Complément d’informations (16/10/15)
Comme mentionné dans le communiqué « Bon à savoir » ci-dessus, il existe une discordance importante entre les conclusions de la publication originale en 2001 « Efficacy of paroxetine in the treatment of adolescent major depression: a randomized, controlled trial », l’étude dite « Study 329 »[1], et celles de la réanalyse: « Restoring Study 329: efficacy and harms of paroxetine and imipramine in treatment of major depression in adolescents. »[2] La réanalyse a été effectuée dans le cadre de l’initiative Restoring Irreversible and Abandoned Trials (RIAT). Les publications sont disponibles sur www.study329.org.
La réanalyse montre en effet clairement d’autres résultats que la publication originale, tant en ce qui concerne l’efficacité que l’innocuité. Plusieurs explications à propos de cette discordance ont été avancées par les auteurs de la réanalyse.
– Efficacité. Dans l’étude « Study 329 », le protocole de l’étude prévoyait deux critères d’évaluation primaires. Les auteurs de la publication originale affirment que, par rapport au placebo, il existe une différence statistiquement significative en faveur de la paroxétine pour un des critères d’évaluation primaire; aucun résultat n’a été donné pour le second critère d’évaluation. Quand on examine la publication de plus près , il est clair qu’il n’y a pas de différence concernant le premier critère d’évaluation primaire, et que la paroxétine n’est donc pas supérieure au placebo. Les critères d’évaluation secondaires mentionnés dans la publication originale ne correspondent pas exactement à ceux décrits dans le protocole de l’étude. Les investigateurs de la réanalyse RIAT n’ont pas pu trouver d’explication sur la raison de ce changement post-hoc des critères d’évaluation secondaires. La réanalyse n’a pas montré de supériorité de la paroxétine en ce qui concerne les critères d’évaluation primaires ou secondaires tels que décrits dans le protocole de l’étude.
– Innocuité. Dans la publication originale, les effets indésirables n’ont pas été codés de manière optimale et ont été rapportés de manière incomplète: les effets indésirables avec une incidence de moins de 5 % n’ont par exemple pas été mentionnés. La réanalyse actuelle a été faite selon une méthodologie correcte, et en prenant compte de toutes les données de l’étude.
Le commentaire « No correction, no retraction, no apology, no comment: paroxetine trial reanalysis raises questions about institutional responsability »[3] souligne également le fait que la publication originale n’a pas été écrite par un des 22 auteurs, mais par un « ghostwriter », un « écrivain » professionnel qui n’était pas impliqué dans l’étude. Des conflits d’intérêts financiers de l’un des auteurs n’ont pas non plus été mentionnés dans la publication originale.
Le retrait de l’article de 2001 était demandé depuis des années. Cette demande a été ignorée par les auteurs et les institutions académiques et professionnelles dont ils font partie, ainsi que par le sponsor de l’étude et la revue-même, et ce malgré le fait que des doutes concernant le compte-rendu de cette étude avaient été déjà émis en 2002. De plus, la firme sponsorisante GSK aux Etats-Unis a déjà été condamnée en 2012 à une amende de 3 milliards de dollars, en partie en raison de “fraudulently promoting paroxetine”, dans laquelle la discordance entre les conclusions revendiquées par les auteurs de l’étude « Study 329 » en 2001 et l’évaluation de cette étude par d’autres personnes constituait un élément majeur de condamnation.
Un éditorial «Liberating the data from clinical trials”[4] souligne l’importance mais également la difficulté de telles réanalyses sur base de données individuelles.