Messages clés

  • Chez des patients diabétiques de type 2 récemment diagnostiqués (4 ans) et insuffisamment contrôlés avec une dose optimale de metformine, le liraglutide et l’insuline glargine en traitement add-on (à la metformine) permettent aux patients d’être moins souvent au-delà du seuil en HbA1c de 7% lors des contrôles trimestriels (critère primaire) que le glimépiride et la sitagliptine. La différence en HbA1c entre les groupes est néanmoins très faible après les 5 années de suivi (de l’ordre de 0,1% à 0,2% au maximum).

  • On constate que chez 70% des patients environ, tous groupes confondus, la cible glycémique (HbA1c < 7%) n'est pas atteinte. Ceci souligne la difficulté à maintenir un contrôle glycémique adéquat, même dans des conditions expérimentales où l'accessibilité aux traitements et aux consultations de suivi sont optimales.

  • Le bénéfice sur les complications du diabète sont des critères d’évaluation secondaires dans cette étude. Concernant le risque de complications microvasculaires ou cardiovasculaires majeures (MACE) et de décès, le nombre d’événements est insuffisant pour pouvoir mettre en évidence des différences entre les molécules évaluées. Pour un seul critère combinant tous les événements cardiovasculaires, majeurs et mineurs confondus, le liraglutide pourrait être un peu plus performant que les autres options.

En quoi cette étude est-elle importante ?

La plupart des recommandations dans le traitement du diabète de type 2 se basent sur des déductions issues d’études cliniques qui comparent au placebo diverses options thérapeutiques (majoritairement des molécules récentes), dans des populations le plus souvent sélectionnées pour un risque cardiovasculaire très élevé.

L’étude GRADE (Glycemia Reduction Approaches in Type 2 Diabetes) décrite ici est importante pour 2 raisons principales :

  • Elle propose une comparaison directe entre différentes options de traitement de seconde étape dans le diabète de type 2 (add-on à la metformine), ce qui est très rare, en particulier avec des médicaments plus anciens tels les sulfamidés hypoglycémiants (voir Folia de décembre 2020 et décembre 2022).

  • Elle inclut des patients diabétiques qui ne sont pas à risque cardiovasculaire élevé, une catégorie de patients globalement peu évaluée ces dernières années.

Protocole de l’étude

  • L’étude GRADE est une étude randomisée contrôlée (RCT) open-label menée chez environ 5 000 participants qui, au moment de l’inclusion, présentent un diabète de type 2 relativement récent (4 ans en moyenne) et sont insuffisamment contrôlés sous metformine en monothérapie à dose optimale. La majorité (94%) ne présentent pas d’antécédents cardiovasculaires. Le suivi moyen a été de 5 ans 1,2.

    Les caractéristiques des patients sont les suivantes : âge moyen de 57 ans, BMI moyen de 34 et HbA1c moyenne de 7,5%. Au moment de la randomisation, 92% des participants reçoivent 2000 mg de metformine par jour. La plupart des patients présentent une dyslipidémie et les ¾ sont hypertendus. La présence d’une insuffisance cardiaque sévère (classe NYHA III et IV) était un critère d’exclusion.
  • 4 options de traitement add-on à la metformine sont évaluées : un sulfamidé hypoglycémiant (le glimépiride), une insuline (insuline glargine), une gliptine (la sitagliptine) et un analogue du
    GLP-1 (le liraglutide).

  • Les résultats de cette étude sont rapportés dans 2 publications distinctes.

    • La première publication 1 rend compte des résultats à propos du contrôle glycémique (critère primaire de l’étude) ainsi que des effets indésirables.

    • La seconde publication 2 rend compte des résultats sur les critères d’évaluation cliniques (complications du diabète) qui sont des critères secondaires dans cette étude.

  • Le critère d’évaluation primaire de l’étude GRADE est la proportion de patients qui ont une HbA1c de 7% ou plus à l’un des contrôles trimestriels (cible de < 7% non atteinte).

  • Plusieurs critères d’évaluation secondaires évaluent des complications du diabète, parmi lesquelles :

    • Les événements cardiovasculaires majeurs (MACE pour MAjor Cardiovascular Event) qui sont soit un AVC, soit un infarctus du myocarde soit un décès d’origine cardiovasculaire ;

    • Les hospitalisations pour insuffisance cardiaque ;

    • Les décès ;

    • La première occurrence d’un critère intitulé « tout événement cardiovasculaire », correspondant à un de ceux cités ci-dessus et complétés de l’angor instable et de tout autre événement nécessitant une intervention de revascularisation artérielle ;

    • Complications microvasculaires : albuminurie modérée à sévère ou eGFR < 60 ml/min et neuropathie diabétique périphérique.

Résultats en bref

  • La proportion de patients qui présente un contrôle glycémique inadéquat (HbA1c ≥ 7%) dans le cours du suivi (critère primaire) est statistiquement inférieure chez les patients qui reçoivent un traitement add-on avec l’insuline glargine ou le liraglutide par rapport à ceux qui reçoivent le glimépiride ou la sitagliptine. En d’autres termes, le liraglutide et l’insuline glargine permettent un meilleur contrôle glycémique que le glimépiride et la sitagliptine. À la fin du suivi, la différence en HbA1c entre les groupes est néanmoins très modeste en valeur absolue (de l’ordre de 0,1 à 0,2%).

  • La proportion de patients qui ne parviennent pas à maintenir une cible glycémique adéquate (HbA1c < 7%) est globalement élevée dans tous les groupes (cela concerne 67,4 % des participants dans le meilleur des cas et 77,4% dans le pire des cas).

    • Nombre de participants qui n’atteignent pas et ne maintiennent pas une HbA1c < 7% au cours du suivi trimestriel (la différence entre les groupes est statistiquement significative, sauf entre le liraglutide et l’insuline glargine) :
      • Sous liraglutide : 860/1262 (68,2% des participants) soit un taux de 26,1 (24,4-27,9) pour
        100 années-patients ;
      • Sous insuline glargine : 852/1263 (67,4% des participants) soit un taux de 26,5 (24,8-28,4) pour 100 années-patients ;
      • Sous glimépiride : 908/1254 (72,4% des participants) soit un taux de 30,4 (28,4-32,4) pour
        100 années-patients ;
      • Sous sitaglitpine : 981/1268 (77,4% des participants) soit un taux de 38,1 (35,8-40,6) pour
        100 années-patients.
    • À la fin de l’étude, le taux d’HbA1c moyen est relativement similaire entre les groupes (7,3% avec la sitagliptine ; 7,2% avec le glimépiride et 7,1% avec l’insuline glargine et le liraglutide). Des différences en HbA1c de l’ordre de 0,1% à 0,2% n’ont pas de pertinence clinique.
  • S’agissant des critères d’évaluation secondaires, on constate, dans la plupart des cas, une absence de différence entre les groupes. Les auteurs 2 soulignent globalement un nombre très restreint d’événements (problème de puissance), tant concernant l’évaluation des complications microvasculaires, que des complications cardiovasculaires et des décès. Pour le critère combiné « tout événement cardiovasculaire », le liraglutide pourrait être un peu plus performant que les autres options.

    • Il n’y pas eu de différence entre les groupes concernant les complications microvasculaires. L’incidence des événements a été inférieure à celle initialement utilisée pour la détermination du nombre de participants à inclure dans l’étude, avec pour conséquence une puissance insuffisante et une impossibilité à tirer une conclusion pour ce résultat.
    • Le taux de survenue de nombreux événements mesurés dans les critères secondaires  était globalement faible, de l’ordre de 1 pour 100 années-patients pour les MACE, de 0,4 pour 100 années-patients pour les hospitalisations pour insuffisance cardiaque, de 0,3 pour 100 années-patients pour les décès cardiovasculaires et 0,6 pour 100 années-patients pour les décès toutes causes. Pour cette raison, on ne peut conclure à une différence entre les groupes concernant ces événements.
    • On constate des petites différences entre les groupes concernant le critère d’évaluation « tout événement cardiovasculaire », où il survient moins fréquemment dans le groupe liraglutide. Le Hazard Ratio pour la survenue de « tout événement cardiovasculaire » avec le liraglutide est de
      • 0,63 en comparaison à l’insuline glargine, correspondant au HR inversé pour la comparaison insuline glargine versus liraglutide où le HR = 1,37 (avec IC à 95% de 1,03 à 1,82) ;
      • 0,59 en comparaison au glimépiride, correspondant au HR inversé pour la comparaison glimépiride versus liraglutide où le HR = 1,41 (avec IC à 95% de 1,07 à 1,87) ;
      • 0,68 (avec IC à 95% de 0,51 à 0,90) en comparaison à la sitagliptine ;
      • 0,71 (avec IC à 95% de 0,56 à 0,90) en comparaison aux 3 autres groupes de traitement confondus.

        NB : Les taux de survenue de ces événements, exprimés en 100 années-patients sont de 2,0 sous
        sitagliptine ; de 1,9 sous insuline glargine ; de 1,9 sous glimépiride et de 1,4 sous liraglutide.

  • Les patients qui ont reçu le liraglutide ont perdu un peu plus de poids que dans les autres groupes (- 3,5 kg sous liraglutide versus – 2 kg sous sitagliptine et – ½ kg environ sous insuline glargine et glimépiride).

  • Concernant les effets indésirables, on constate significativement plus d’hypoglycémies sévères sous glimépiride (incidence de 2,2%) et plus d’effets indésirables gastro-intestinaux sous liraglutide.

    • 2,2% d’hypoglycémies sévères sous glimépiride versus 0,7% sous sitagliptine (p ≤ 0,001) ; 1,0% sous liraglutide (p ≤ 0,001) et 1,3% sous glargine (p = 0,02).
    • Effets indésirables gastro-intestinaux : taux de l’ordre de 23 pour 100 années-patients sous liraglutide versus 16,5 sous insuline glargine et 15 sous glimépiride et sous sitagliptine.
    • Il n’y a pas eu de différence entre les groupes concernant d’autres événements indésirables ciblés dans cette étude tels que les pancréatites, les cancers du pancréas et d’autres cancers.

Limites de l’étude

  • Les gliflozines n’étaient pas encore sur le marché au moment de la mise en route de cette étude, ce qui explique l’absence d’un bras évaluant un médicament appartenant à cette classe thérapeutique 3, 4.

  • Il n’y a pas d’évaluation de l’effet des médicaments sur la rétinopathie 4.

  • L’étude n’est pas menée en aveugle pour les participants et les équipes de soins (médecins et équipes effectuant les contrôles trimestriels). Seuls les examinateurs des résultats ne connaissent pas les traitements reçus par les patients.

  • Le critère d’évaluation primaire n’est qu’un critère d’évaluation intermédiaire (contrôle glycémique). Les complications du diabète sont des critères d’évaluation secondaires, donc uniquement générateurs d’hypothèses.

  • Les événements (complications du diabète) rencontrés sur la durée du suivi sont globalement peu nombreux, ce qui impacte l’interprétabilité des résultats (problème de puissance mentionnée par les auteurs).

Commentaire du CBIP

  • Globalement, cette étude méthodologiquement correcte et indépendante ne donne pas d’argument fort pour privilégier une des 4 classes thérapeutiques évaluées ici, une fois que la metformine n’est plus suffisante.

  • Le liraglutide et l’insuline glargine permettent aux patients d’être moins souvent au-delà du seuil en HbA1c de ≥ 7% que le glimépiride et la sitagliptine, lors des contrôles trimestriels (critère primaire de cette étude GRADE). Néanmoins, en termes de taux d’HbA1c à la fin de l’étude (après 5 ans), la différence entre les 4 options thérapeutiques évaluées ici n’est probablement pas pertinente sur le plan clinique (les différences en HbA1c sont de l’ordre de 0,1 à 0,2%).

  • Les effets décrits sur le poids (perte de poids supérieure avec la liraglutide), le risque d’hypoglycémies sévères (plus élevé avec le glimépiride et l’insuline glargine) et les effets indésirables gastro-intestinaux (plus élevés avec le liraglutide) sont en ligne avec ce qui est déjà connu.

  • Cette étude met surtout en évidence la difficulté du maintien d’un contrôle glycémique adéquat (seuil en HbA1c < 7%) chez la plupart des patients souffrant de diabète de type 2 et ce, quelle que soit l’option thérapeutique choisie (concerne 7 patients sur 10 dans cette étude GRADE, tous groupes confondus). La question de l’importance de ce paramètre sur les complications du diabète continue à être débattue.

  • En ce qui concerne le risque de complications du diabète, tant la durée de l’étude que le nombre de patients inclus semblent insuffisants ici pour pouvoir mettre en évidence des différences entre les molécules évaluées. D’autres études à plus large échelle et dont le critère d’évaluation primaire serait cliniquement pertinent sont souhaitables, même si elles sont plus coûteuses à réaliser.

  • Seul le critère combiné « tout événement cardiovasculaire » pourrait être plus favorable pour le liraglutide par rapport aux autres options. Ceci doit être mis en balance avec le nombre plus élevé d’effets indésirables gastro-intestinaux, une administration en injection et un coût nettement plus élevé.

Sources

GRADE Study Research Group; Nathan DM, Lachin JM, Balasubramanyam A, et al. Glycemia Reduction in Type 2 Diabetes – Glycemic Outcomes. N Engl J Med. 2022 Sep 22;387(12):1063-1074. doi: 10.1056/NEJMoa2200433. PMID: 36129996; PMCID: PMC9829320.
GRADE Study Research Group; Nathan DM, Lachin JM, Bebu I, et al. Glycemia Reduction in Type 2 Diabetes – Microvascular and Cardiovascular Outcomes. N Engl J Med. 2022 Sep 22;387(12):1075-1088. doi: 10.1056/NEJMoa2200436. PMID: 36129997; PMCID: PMC9832916.
3 Rydén L, Standl E. After Metformin – Next Steps for Type 2 Diabetes with Low Cardiovascular Risk. N Engl J Med. 2022 Sep 22;387(12):1136-1138. doi: 10.1056/NEJMe2210531. PMID: 36130002.
4 Brett MS. After Metformin, Which Medication Should Be Next for Patients with Type 2 Diabetes? NEJM Journal Watch. 2022, Sept 22.