Les résultats intermédiaires d’études contrôlées randomisées, menées à grande échelle avec des critères d’évaluation cliniques (études de phase II/III), ont été publiés pour deux vaccins COVID-19.
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La première étude, dans le New England Journal of Medicine1 (10/12/20, avec éditorial2), concerne le vaccin COVID-19 BNT162b2 à ARNm (BioNTech/Pfizer).Ce vaccin contient des brins d’ARNm chimiquement modifiés codant la protéine Spike du virus, la protéine qui lie le virus au récepteur ACE2 sur les cellules cibles. L’ARNm est encapsulé dans des nanoparticules lipidiques. Une demande « d’autorisation de mise sur le marché conditionnelle » de ce vaccin a été soumise à l’Agence européenne des médicaments (EMA) le 01/12/20, dont l’évaluation est en cours (site Web de l’EMA, situation au 18/12/20). Si l’évaluation de l’EMA est favorable, la vaccination devrait pouvoir commencer en Belgique en janvier 2021. Ce vaccin est déjà utilisé au Royaume-Uni (voir GOV.UK) et aux États-Unis (voir CDC).
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La deuxième étude, dans The Lancet3 (08/12/20, avec éditorial4), concerne le vaccin COVID-19 ChAdOx1 nCoV-19 (AZD1222) (Oxford/AstraZeneca).Ce vaccin contient un adénovirus de chimpanzé non réplicatif dans lequel a été integrée la séquence génétique codant la protéine Spike du virus. Ce vaccin n’a pas encore fait l’objet d’une demande d’autorisation (site Web de l’EMA, situation au 18/12/20).
Vous trouverez ci-dessous quelques détails sur les publications dans le NEJM et The Lancet, suivis d’une brève discussion des éditoriaux accompagnant ces études.
Le NEJM au sujet du vaccin COVID-19 BNT162b2 à ARNm
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Personnes incluses : personnes de plus de 16 ans, dont 42% > 55 ans (4% ≥ 75 ans) ; dans 21% des cas, il y avait au moins une comorbidité. Ont été exclus les patients ayant des antécédents médicaux de COVID-19 ou souffrant de troubles immunitaires ou traités avec des immunosuppresseurs.
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Schéma de vaccination : 2 doses à 21 jours d’intervalle, par voie intramusculaire.
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L’étude a maintenu en aveugle les personnes étudiées ainsi que les évaluateurs. Les personnes ayant administré le vaccin n’ont pas été maintenues en aveugle.
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Efficacité (analyse après les 170 premiers cas de COVID-19)
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La protection contre la COVID-19 symptomatique, confirmée par PCR, au moins 7 jours après la deuxième dose de vaccin (critère d’évaluation primaire) était de 95% [IC à 95% de 90,3 à 97,6]. Il y a eu 8 cas de COVID-19 sur 18.198 personnes dans le groupe ayant reçu le vaccin COVID-19, contre 162 cas sur 18.325 personnes dans le groupe placebo. Ce résultat concerne les personnes sans preuve d’une infection antérieure ou actuelle par le SARS-CoV-2 au moment de la vaccination. Le degré de protection était similaire lorsqu’étaient incluses les personnes avec preuve d’une infection antérieure ou actuelle par le SARS-CoV-2 au moment de la vaccination (également un critère d’évaluation primaire) : protection de 94,6% (9 cas de COVID-19 sur 19.965 personnes dans le groupe ayant reçu le vaccin COVID-19, contre 169 cas sur 20.172 personnes dans le groupe placebo).
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Il ressort d’analyses de sous-groupes en fonction de l’âge, de la présence de comorbidités ou d’obésité que le degré de protection est comparable dans ces sous-groupes à celui observé dans la population totale étudiée. L’étude n’a toutefois pas la puissance statistique nécessaire pour pouvoir en tirer des conclusions.
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Le nombre de cas ayant présenté des formes graves de COVID-19 était trop faible pour pouvoir se prononcer sur la protection contre les formes graves de COVID-19.
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Les résultats suggèrent une certaine protection après la 1e dose, mais là encore, aucune conclusion ne peut être tirée.
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Innocuité (sur un suivi médian de 2 mois après la 2e dose ; critère d’évaluation primaire)
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Des réactions locales se sont produites plus fréquemment chez les 16-55 ans ; elles étaient aussi fréquentes après la 1e dose qu’après la 2e dose, et disparaissaient généralement dans les 2 jours. La réaction la plus fréquemment observée était une douleur au point d’injection (principalement légère à modérée): 66 à 88% (8 à 14% dans le groupe placebo). Des rougeurs et des gonflements ont rarement été signalés.
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Les réactions générales (fatigue, céphalées, fièvre) se sont produites plus fréquemment chez les 16-55 ans ; elles étaient plus fréquentes après la 2e qu’après la 1e dose, survenaient dans les 2 jours suivant la vaccination, et disparaissaient peu après. Taux d’incidence après la 2e dose : fatigue : 51% chez les > 55 ans et 59% chez les 16-55 ans (contre respectivement 17% et 23% dans le groupe placebo) ; céphalées : 39% chez les > 55 ans et 52% chez les 16-55 ans (contre respectivement 14% et 24% dans le groupe placebo) ; fièvre (température buccale ≥38°C) : 11% chez les > 55 ans et 16% chez les 16-55 ans (contre respectivement 0% et 1% dans le groupe placebo). Les céphalées et la fatigue après la 2e dose ont été jugées sévères dans respectivement 4% et 2% des cas. Les cas de lymphadénopathie étaient rares : 0,3% (contre < 0,1% dans le groupe placebo).
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Note: au Royaume-Uni, où ce vaccin est déjà administré, deux cas de réactions allergiques sévères ont été rapportés ; les personnes concernées avaient des antécédents de réactions allergiques sévères et avaient un auto-injecteur d’adrénaline sur elles. Ces cas font l’objet d’une évaluation plus approfondie [voir le BMJ, 10 décembre 2020]. Un document de la FDA auquel il est fait référence indique que, dans l’étude, une « réaction d’hypersensibilité » (sans plus de détails) a été un peu plus fréquemment rapportée dans le groupe ayant reçu le vaccin COVID-19 que dans le groupe placebo, mais l’incidence reste relativement faible (0,63% contre 0,51% dans le groupe placebo).
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The Lancet au sujet du vaccin COVID-19 ChAdOx1 nCoV-19 (AZD1222)
Il s’agit ici d’une analyse complexe, compilant les résultats de 4 études (concernant l’efficacité : données provenant de 2 des 4 études). En raison de problèmes au niveau du processus de quantification du principe actif, l’une des études (UK002) a involontairement dévié du schéma de vaccination chez une partie des sujets étudiés : ces personnes ont reçu comme 1e dose la moitié de la dose standard, suivie de la dose standard (1.376 patients sont concernés (tous âgés de moins de 55 ans) sur un total de 5.807 patients ayant reçu le vaccin COVID-19 dans cette analyse).
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Personnes incluses : personnes séronégatives de plus de 18 ans, dont 12% avaient plus de 55 ans (< 4% de plus de 70 ans).
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Schéma de vaccination : 2 doses à 28 jours d’intervalle, par voie intramusculaire (suite à des ajustements du protocole, les participants qui devaient initialement recevoir une seule dose de vaccin n’ont reçu la deuxième dose qu’après plus de 4 semaines).
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L’étude a maintenu en aveugle les sujets étudiés. Les personnes ayant administré le vaccin n’ont pas été maintenues en aveugle.
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Efficacité (suivi d’environ 4 mois)
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La protection contre la COVID-19 symptomatique, confirmée par PCR, au moins 14 jours après la deuxième dose de vaccin (critère d’évaluation primaire) était de 70,4% [IC à 95% de 54,8 à 80,6]. Il y a eu 30 cas de COVID-19 sur 5.807 personnes dans le groupe ayant reçu le vaccin COVID-19, contre 101 cas sur 5.829 personnes dans le groupe témoin (un vaccin placebo ou un vaccin conjugué contre MenACWY).
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Le degré de protection était sensiblement plus faible dans la cohorte ayant reçu les deux doses standard que dans la cohorte qui avait d’abord reçu la moitié de la dose standard puis la dose standard : 62,1% [IC à 95% de 41,0 à 75,7] contre 90,0% [IC à 95% de 67,4 à 97,0]. Cette différence ne peut pas être expliquée pour l’instant.
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L’analyse des données 21 jours après la 1e dose standard suggère que la 1e dose induit déjà une certaine protection, mais il n’est pas possible de conclure.
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Pour l’instant, l’étude ne permet pas de se prononcer sur l’efficacité dans des sous-groupes tels que les personnes de plus de 55 ans et les patients présentant une comorbidité, ni sur la protection contre les formes graves de COVID-19.
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Innocuité (sur un suivi médian de 3,4 mois après la 2e dose)
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Les effets indésirables graves ont été évalués et se sont produits avec la même fréquence dans le groupe ayant reçu le vaccin COVID-19 (chez 79 personnes sur un total de 12.021 personnes) que dans le groupe placebo (chez 89 personnes sur un total de 11.724 personnes). Un participant a été diagnostiqué avec une myélite transverse 14 jours après la 2e dose du vaccin COVID-19 ; une relation causale est considérée comme possible.
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Les éditoriaux se rapportant aux études sont élogieux, mais soulignent les questions qui restent sans réponse
Les auteurs des deux éditoriaux2,4 sont particulièrement optimistes concernant les résultats des deux études sur les vaccins COVID-19. Ils saluent les collaborations internationales, à tous les niveaux, qui ont permis le développement aussi rapide de vaccins, du jamais vu. Ils soulignent également un certain nombre de questions importantes qui restent encore sans réponse.
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Des effets indésirables très rares et inattendus seront-ils observés lorsque les vaccins seront utilisés à une échelle encore plus grande ?
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Des effets indésirables se produiront-ils lors d’un suivi plus long ?
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Quelle est la durée de protection ?
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Les vaccins protègent-t-ils contre les formes graves de COVID-19 ?
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Les vaccins seront-t-ils en mesure de prévenir les formes asymptomatiques de la maladie et pourront-t-ils freiner ou empêcher la transmission ?
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Que peut-on attendre des vaccins chez les personnes qui n’étaient pasreprésentées dans ces études, comme les enfants, les femmes enceintes, les personnes immunodéficientes, et chez les personnes qui, pour une raison quelconque, ne reçoivent pas leur deuxième dose ? L’efficacité chez les personnes de plus de 70 ans et les patients souffrant de comorbidités doit également faire l’objet d’études complémentaires.
La production et la livraison des vaccins COVID-19 à une aussi grande échelle et, pour le vaccin COVID-19 BNT162b2 à ARNm, le stockage à – 70° C, restent des défis logistiques majeurs. Pour le vaccin COVID-19 ChAdOx1 nCoV-19 (AZD1222), les données concernant les personnes de plus de 55 ans sont encore très rares, et l’on examine actuellement si l’administration, qui n’avait pas été planifiée ainsi au départ, de la moitié de la dose standard, suivie d’une dose standard complète, est effectivement le schéma optimal.
Notes:
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Une demande d’autorisation de mise sur le marché conditionnelle est actuellement en cours à l’EMA pour un deuxième vaccin COVID-19 : le vaccin mRNA1273 de Moderna Biotech Spain (voir le site Web de l’EMA (1/12/20) et site Web de l’EMA (17/12/20). On ne dispose pas encore de résultats d’études de phase II/III pour ce vaccin (situation au 18/12/20).
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Une liste de questions & réponses sur les vaccins contre la COVID-19 a été publiée sur le site web de l’AFMPS.
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Pour tous nos articles relatifs aux médicaments dans la COVID-19 : voir Actualités COVID-19 notre site Web.
Sources spécifiques
1. Polack FP, Thomas SJ, Kitchin N. et al., for the C4591001 Clinical Trial Group. Safety and Efficacy of the BNT162b2 mRNA Covid-19 Vaccine. New England Journal of Medicine, en ligne le 10/12/20. DOI: 10.1056/NEJMoa2034577. Pour le Supplementary appendix, cliquez ici
2. Rubin EJ en Longo DL. SARS-CoV-2 Vaccination — An Ounce (Actually, Much Less) of Prevention. Editorial. New England Journal of Medicine, en ligne le 10/12/20. DOI: 10.1056/NEJMe2034717
3. Voysey M, Clemens SAC, A Madhi S et al., on behalf of theOxford COVID Vaccine Trial Group. Safety and efficacy of the ChAdOx1 nCoV-19 vaccine (AZD1222) against SARS-CoV-2: an interim analysis of four randomised controlled trials in Brazil, South Africa, and the UK. The Lancet, en ligne le 08/12/20. DOI: https://doi.org/10.1016/S0140-6736(20)32661-1 Pour les Supplementary materials, cliquez ici et ici
4. Knoll MD en Wonodi C. Oxford–AstraZeneca COVID-19 vaccine efficacy. Comment. The Lancet, en ligne le 08/12/20. DOI: https://doi.org/10.1016/S0140-6736(20)32623-4.