Messages clés

  • La plupart des médicaments passent dans le lait maternel et exposent donc l’enfant aux effets indésirables.

  • Voici un aperçu des différents traitements compatibles ou non avec l’allaitement maternel :

    • Traitement des crises de migraines :

      • Paracétamol, ibuprofène, diclofénac : compatibles avec l’allaitement.

      • Naproxène : probablement sûr, mais pas en première intention.

      • Acide acétylsalicylique : utilisation occasionnelle possible à visée antiagrégante, contre-indiqué en usage chronique antalgique ou anti-inflammatoire.

      • Triptans : sumatriptan, élétriptan, rizatriptan et zolmitriptan sont probablement sans danger.

      • Autres triptans et rimégépant : données insuffisantes.

    • Traitement prophylactique de la migraine :

      • Compatibles avec l’allaitement : propranolol, métoprolol, amitriptyline, acide valproïque.

      • Anticorps monoclonaux, atogépant et rimégépant : compatibilité inconnue.

    • Médicaments à éviter pendant l’allaitement : Ergotamine et topiramate (incompatibles avec l’allaitement).

Allaitement et migraine

Contexte et généralités

Une crise de migraine se caractérise par une céphalée d’intensité modérée à sévère généralement pulsatile et unilatérale, qui s’aggrave en cas d’effort physique. Elle est souvent accompagnée de nausées, de vomissements, ainsi que d’une hypersensibilité à la lumière (photophobie) et au bruit (phonophobie). Dans 20% des cas, elle est précédée de symptômes neurologiques transitoires, le plus souvent sensoriels, regroupés sous le terme d’aura. La durée d’une crise varie généralement entre 4 et 72 heures.1, 2, 3

Impact de l’allaitement sur les migraines

Les crises de migraines sont moins fréquentes chez 60 à 70% des femmes durant la grossesse et l’allaitement.4 La fréquence des crises augmente de nouveau après l’accouchement mais cette augmentation semble moins marquée en cas d’allaitement maternel exclusif.1

Avant d’instaurer un traitement contre la migraine chez une femme qui allaite, il semble important de rappeler aux patientes :

  • qu’il faut prendre du repos ;

  • que la plupart des médicaments passent dans le lait maternel et exposent donc l’enfant allaité aux effets indésirables de ces médicaments.1

Traitement de la crise aigue

Le paracétamol

L’utilisation de paracétamol pendant l’allaitement est très répandue. On dispose d’un grand recul d’utilisation, il n’y a pas de risque particulier chez les enfants en bonne santé. Pourtant, les études à ce sujet sont peu nombreuses. La quantité de paracétamol ingérée via le lait maternel est très faible, de telle sorte qu’elle est inférieure aux doses habituellement prescrites chez les nourrissons.
Dès lors, l’utilisation de paracétamol aux posologies habituelles pendant l’allaitement est possible et ne nécessite pas d’interruption de l’allaitement (voir 8.1.2. Paracétamol).

Les anti-inflammatoires

L’ibuprofène est l’anti-inflammatoire le plus sûr pour la femme allaitante.5 Le diclofénac, quant à lui, est probablement sûr.5 L’utilisation de courte durée de naproxène et d’acide acétylsalicylique est également probablement sûre.4,5 Les anti-inflammatoires doivent être utilisés à la dose la plus faible possible pendant la durée la plus courte possible (voir 9.1.1. AINS à usage systémique).5

  • La quantité d’ibuprofène et de diclofénac qui passe dans le lait maternel est très faible. Aucun effet indésirable n’a été signalé chez le nourrisson exposé à l’ibuprofène ou au diclofénac durant l’allaitement. Ces deux molécules bénéficient d’un long recul d’utilisation.5, 6  Leur utilisation pendant l’allaitement est donc possible et ne nécessite pas d’interruption d’allaitement.

  • Le naproxène n’est pas utilisé en première intention car des effets indésirables (somnolence, vomissements) ont été rapportés, sans qu’un lien de causalité ne soit prouvé, chez le nourrisson suite à son utilisation pendant l’allaitement. Cependant, il est peu probable qu’une utilisation occasionnelle entraîne des effets indésirables. De plus, il peut s’accumuler chez l’enfant en cas d’utilisation prolongée car il a une longue demi-vie.5  Son utilisation pendant une courte durée est donc peu documentée mais probablement sûre pendant l’allaitement.

  • La prise chronique d’acide acétylsalicylique à doses antalgiques ou anti-inflammatoires est contre-indiquée pendant l’allaitement, alors que son utilisation ponctuelle est possible.5, 6  A ces doses, les quantités ingérées par l’enfant sont importantes car il existe un risque d’accumulation dans le lait maternel en cas d’utilisation prolongée. L’enfant est alors exposé à des doses proches des concentrations thérapeutiques.6
    La prise d’acide acétylsalicylique ponctuelle à visée analgésique ou anti-inflammatoire ou la prise chronique à visée antiagrégante plaquettaire est possible.4, 6

  • Le piroxicam peut, lui aussi, s’accumuler chez l’enfant en cas d’utilisation prolongée car il a une longue demi-vie.6 Le manque de données quant à son utilisation pendant l’allaitement encourage à utiliser un autre AINS pendant l’allaitement.5, 6

Les triptans

En cas d’effet insuffisant des médicaments précédemment cités, certains triptans (sumatriptan, élétriptan, rizatriptan et zolmitriptan) peuvent être envisagés.2, 4 Leur utilisation pendant l’allaitement est probablement sans danger car elle n’a pas révélé de risque particulier à ce jour (voir 10.9.1.1. Triptans).
Le sumatriptan est le triptan le mieux étudié pendant l’allaitement. La quantité qui est ingérée via le lait maternel est faible de sorte que l’enfant reçoit environ 3% de la dose maternelle.
L’élétriptan, le rizatriptan et le zolmitriptan sont également envisageables pendant l’allaitement. En effet, leur passage dans le lait maternel est faible et aucun événement inquiétant n’a été rapporté chez le nourrisson à ce jour.5, 6

Les triptans, en raison de leur effet vasoconstricteur, peuvent provoquer des douleurs mammaires. Ils modifient également les niveaux hormonaux de sérotonine et de prolactine, ce qui peut entraîner une diminution temporaire de la production de lait, en particulier chez les femmes en début d’allaitement. Ces effets indésirables sont désagréables mais sans gravité, et disparaissent spontanément. L’application de compresses chaudes sur les seins peut aider à atténuer localement l’effet vasoconstricteur.5

Il n’est pas possible de se prononcer sur la sécurité d’emploi de l’almotriptan, du frovatriptan et du naratriptan pendant l’allaitement (peu ou pas d’informations).

Les antagonistes du récepteur du CGRP

Il n’est pas possible de se prononcer sur la sécurité d’emploi du rimégépant pendant l’allaitement car il existe peu de données quant à son utilisation pendant cette période.5
Dans le RCP, il est précisé que les avantages et les inconvénients de l’allaitement doivent être pesés avant d’initier ou d’interrompre un traitement (voir 10.9.1.3. Antagonistes du récepteur du CGRP).

 Traitement prophylactique 

Les β-bloquants

La préférence va au propranolol.2, 6
La quantité de propranolol et de métoprolol ingérée via le lait maternel est très faible.6
Bien qu’aucun effet indésirable n’a été signalé chez les nourrissons exposés au propranolol ou au métoprolol durant l’allaitement, ils sont théoriquement exposés aux effets indésirables des béta-bloquants, malgré des doses circulantes faibles. Il est donc important de surveiller l’apparition de ces différents symptômes : bradycardie, hypotension et hypoglycémie.5, 6, 7
Dès lors, l’utilisation de propranolol ou de métoprolol aux posologies habituelles est donc possible pendant l’allaitement et ne nécessite pas d’interruption de l’allaitement.5, 6, 7

L’amitriptyline

La quantité d’amitriptyline ingérée via le lait maternel est très faible, l’enfant ne reçoit qu’environ 2% de la dose maternelle.5, 6 La concentration sanguine d’amitriptyline et de son métabolite chez l’enfant allaité est faible à indétectable. En dehors d’un rapport de cas de sédation et de mauvaise prise du sein, aucun événement particulier n’a été signalé à ce jour chez les enfants allaités.6
Dès lors, l’utilisation d’amitriptyline aux posologies habituelles pendant l’allaitement est possible en prophylaxie de crises migraineuses et ne nécessite pas d’interruption de l’allaitement.

Les antiépileptiques : acide valproïque (off-label)

La quantité d’acide valproïque ingérée via le lait maternel est très faible, l’enfant ne reçoit en moyenne qu’environ 1 à 2% de la dose maternelle. Des troubles hématologiques ont pu être observés chez des enfants allaités mais selon nos sources, l’allaitement reste tout de même possible et probablement sûr.5, 6, 7

Les anticorps monoclonaux

Il n’est pas possible de se prononcer sur la sécurité d’emploi des anticorps monoclonaux (eptinezumab, erénumab, frémanezumab et galcanézumab) pendant l’allaitement (peu ou pas d’informations).5

Les antagonistes du récepteur du CGRP

Il n’est pas possible de se prononcer sur la sécurité d’emploi des antagonistes du récepteur du CGRP (atogépant (RCP) et rimégépant) pendant l’allaitement (peu d’informations).5
Dans le RCP, il est précisé que les avantages et les inconvénients de l’allaitement doivent être pesés avant d’initier ou d’interrompre un traitement (voir 10.9.1.3. Antagonistes du récepteur du CGRP).

Médicaments antimigraineux à éviter durant l’allaitement

Le topiramate

Même si peu de données concernent l’utilisation du topiramate pendant l’allaitement, des observations ont montré que la quantité de topiramate ingérée via le lait maternel est importante (RCP).6
Des événements indésirables chez le nourrisson ont, en outre, été observés : diarrhée, somnolence, vomissement, mauvaise prise de poids… (voir 10.7.1.4. Topiramate). Ces événements sont réversibles à l’arrêt du traitement. L’enfant est également théoriquement exposé aux effets indésirables du topiramate, surtout au vu de sa longue demi-vie d’élimination (21 heures).1, 6,7 Selon une de nos sources (le CRAT), l’utilisation prophylactique de topiramate pendant l’allaitement est donc à éviter pour la prise en charge de la migraine.

Les dérivés de l’ergot dans des associations

Seule l’ergotamine associée à la caféine est encore disponible en Belgique. Elle n’a plus pour indication la prophylaxie antimigraineuse dans le RCP (mais bien la crise migraineuse). De plus, les dérivés de l’ergot ont un rapport bénéfice/risque défavorable en raison du manque d’études rigoureuses, de leur effet imprévisible et de leurs effets indésirables.

L’ergotamine est contre-indiquée pendant l’allaitement (RCP). Il n’existe que peu de données à leur sujet pendant l’allaitement mais une étude a mis en évidence que chez 90% des enfants présentant des symptômes d’ergotisme (vomissements, diarrhées et convulsions), l’ergotamine était détectable dans le lait maternel.5

Note

Bien que cet article fasse suite à une publication de La Revue Prescrire, nous nous sommes basés sur nos sources (Lareb, Le CRAT, BRIGGS) en ce qui concerne la sécurité d’utilisation durant l’allaitement.

Noms des spécialités concernées :

  • Acide acétylsalicylique : Aspegic®, Aspirine®, Aspirine-C®, Sedergine® (voir Répertoire).

  • Amitriptyline : Redomex® (voir Répertoire).

  • Atogépant : Aquipta® (voir Répertoire).

  • Diclofénac : Cataflam®, Diclofenac(e), Motifène®, Voltaren® (voir Répertoire).

  • Elétriptan : Relert (voir Répertoire).

  • Erénumab : Aimovig® (voir Répertoire).

  • Ergotamine + caféine : Cafergot® (voir Répertoire).

  • Ibuprofène : Algidrin®, Brufen®, Ibuprofen(e), Nurofen®, Perdofemina®, Spidifen® (voir Répertoire).

  • Métoprolol : Metoprolol(e), Seloken®, Selozok® (voir Répertoire).

  • Anticorps monoclonaux dans la migraine.

  • Naproxène : Aleve®, Apranax®, Naprosyne®, Naproxen(e) (voir Répertoire).

  • Paracétamol : Algostase Mono®, Dafalgan®, Panadol®, Paracetamol(e), Perdolan® (voir Répertoire).

  • Propranolol : Hemangiol®, Inderal®, Propranolol(e) (voir Répertoire).

  • Rimégépant : Vydura® (voir Répertoire).

  • Rizatriptan : Maxalt® (voir Répertoire).

  • Sumatriptan : Imitrex®, Sumatriptan(e) (voir Répertoire).

  • Topiramate : Topamax®, Topiramat(e) (voir Répertoire).

  • Zolmitriptan : Zolmitriptan(e), Zomig® (voir Répertoire).

Sources

Allaitement maternel et médicaments de la migraine, La Revue Prescrire 2024 ; 44 (487) : 360-366.
DynaMed, Treatment of Acute Attack in Adults>Considerations for Specific Patient Populations, consulté le 04/02/2025.
3 EBP, Prise en charge de la migraine, consulté le 04/02/2025.
4 Nederlands Huisartsengenootschap, Hoofdpijn, NHG-Standaard M19, septembre 2021, consulté le 04/02/2025.
5 Bijwerkingencentrum Lareb, consulté le 03/02/2025.

6 Le Centre de Référence sur les Agents Tératogènes, Le CRAT, consulté le 03/02/2025.
Briggs Drugs in Pregnancy and Lactation, consulté le 03/02/2025.