La première étude randomisée avec l’HCQ est négative
Nous avions déjà communiqué dans notre BàS du 16/04/20 les résultats de quelques études non randomisées sur l’hydroxychloroquine (HCQ). Voici une première étude randomisée, menée en Chine auprès de 150 patients hospitalisés atteints d’une forme légère à modérément sévère de COVID-19 (2 patients seulement présentaient une forme sévère de COVID-19). 1 L’ajout d’HCQ au « traitement standard » ne se révélait pas plus efficace que le « traitement standard » à lui seul, en termes de clairance virale après 28 jours (critère d’évaluation primaire, mesuré par le test de RT-PCR) : 85% (groupe HCQ) contre 81% (groupe témoin). Les effets indésirables (diarrhée surtout) étaient plus fréquents dans le groupe HCQ (30% contre 9%). L’effet sur le critère d’évaluation primaire ne dépendait pas du moment d’initiation du traitement par HCQ (≤ 7 jours après l’apparition des premiers symptômes ou > 7 jours après) ni de l’administration d’un traitement antiviral. Globalement, l’HCQ n’avait pas d’effet sur les symptômes après 28 jours (critère d’évaluation secondaire). Un effet positif sur les symptômes a été rapporté dans un sous-groupe de patients, mais une telle analyse de sous-groupe d’un critère d’évaluation secondaire ne permet pas de tirer des conclusions. L’HCQ était administrée à fortes doses : 1,2 g par jour pendant les trois premiers jours, puis 800 mg par jour, sur une période de traitement de 2 semaines au total (patients atteints de la forme légère de COVID-19) ou de 3 semaines (patients atteints d’une forme plus sévère de COVID-19). Plusieurs patients prenaient d’autres médicaments expérimentaux (p.ex. lopinavir + ritonavir) dans le cadre du « traitement standard », mais la publication ne fournit pas de détails à ce sujet. Cette étude laisse de nombreuses questions sans réponse (p.ex., l’HCQ a-t-elle un effet sur des critères d’évaluation cliniques tels que la progression vers une forme sévère de COVID-19 ou la mortalité ?) Dans les commentaires sur cette étude, certains se demandent si le zinc n’aurait pas dû être associé à l’HCQ ? Voir à ce sujet le communiqué « Bon à savoir » sur le zinc qui sera publié prochainement.
Deux études fournissent des données inquiétantes sur l’allongement de l’intervalle QT
Nous avions déjà signalé les risques cardiaques liés à l’HCQ dans notre BàS du 16/04/20. Voici deux études non randomisées2,3, menées auprès de patients COVID-19, qui fournissent des données inquiétantes concernant l’effet de l’HCQ et de l’HCQ + azithromycine sur l’intervalle QT.
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Dans l’étude2 mentionnée dans notre BàS du 16 avril (référence NEJM J Watch 15/04/20), 84 patients traités par HCQ ont été soumis à un ECG au moment de leur admission et après 3 à 5 jours. Chez 8 patients, le traitement par HCQ a été arrêté en raison d’un allongement de l’intervalle QT : chez 7 patients, l’intervalle QTc s’était allongé de plus de 60 msec (1 patient avait un QTc > 500 msec). On n’a pas observé de torsades de pointes. Un patient a développé un bloc auriculo-ventriculaire du 1er degré deux jours après avoir commencé le traitement par HCQ.
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Dans une cohorte de 84 patients traités avec l’association HCQ + azithromycine3, 11 % des patients ont présenté un QTc > 500 msec (mesuré en moyenne 3,5 jours après le début du traitement par HCQ). On n’a pas observé de torsades de pointes. Le développement d’une insuffisance rénale aiguë était prédictif de l’apparition d’un QTc de > 500 msec. Étrangement, la valeur de base de l’intervalle QTc (c’est-à-dire la valeur avant l’initiation du traitement par HCQ + azithromycine) n’était pas prédictive, et ceci doit certainement faire l’objet d’un suivi.
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On admet que le risque de torsades de pointes est significatif lorsque l’intervalle QTc dépasse 500 msec, bien qu’il n’y ait pas de valeur seuil en dessous de laquelle le risque serait absent [voir aussi le Répertoire Intro.6.2.2. et les Folia de novembre 2012].
Conclusion
La recommandation reste inchangée, à savoir que dans le cadre du COVID-19, l’HCQ n’a actuellement une place qu’en milieu hospitalier, dans les conditions décrites par Sciensano (voir Procédure pour les hôpitaux et les spécialistes « Traitement des patients hospitalisés » (version la plus récente (en anglais) du 07/04/2020) [Sciensano]. Il n’y a pas de place pour l’azithromcyine dans le COVID-19, ni en première ligne ni en milieu hospitalier, sauf à des fins de recherche [voir aussi BàS 16/04/20].
Sources spécifiques
1. Tang W, Cao Z et al. Hydroxychloroquine in patients with COVID-19: an open-label, randomized, controlled trial. doi: https://doi.org/10.1101/2020.04.10.20060558. Sur https://www.medrxiv.org/content/10.1101/2020.04.10.20060558v1 (pas encore examiné par des pairs ou publié dans une revue). Voir aussi la discussion dans La Revue Prescrire.
2. Mahevas M, Tran V-T et al. No evidence of clinical efficacy of hydroxychloroquine in patients hospitalized for COVID-19 infection with oxygen requirement: results of a study using routinely collected data to emulate a target trial. doi: https://doi.org/10.1101/2020.04.10.20060699. Sur https://www.medrxiv.org/content/10.1101/2020.04.10.20060699v1 (pas encore examiné par des pairs ou publié dans une revue).
3. Chorin E, Dai M et al. The QT Interval in Patients with SARS-CoV-2 Infection Treated with Hydroxychloroquine/Azithromycin (pas encore examiné par des pairs ou publié dans une revue). doi: https://doi.org/10.1101/2020.04.02.20047050. Sur https://www.medrxiv.org/content/10.1101/2020.04.02.20047050v1. Voir aussi la discussion dans La Revue Prescrire.